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Birmanie : trois questions sur les montages financiers opaques de Total avec la junte

La compagnie pétrolière française exploite depuis 1998 un gisement de gaz aux larges des côtes birmanes. Documents à l'appui, "Le Monde" révèle comment Total finance les généraux de la junte à travers des comptes offshores.

Article rédigé par franceinfo
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Des militants d'Extinction Rebellion protestent contre les activités de Total en Birmanie, le 25 mars 2021 à La Défense (Hauts-de-Seine). (MAXIME GRUSS / HANS LUCAS / AFP)

C'est une information embarrassante, qui va accroître un peu plus la pression sur Total, à nouveau critiqué pour son activité en Birmanie depuis le coup d'Etat militaire du 1er février. Le Monde (article payant) révèle, mardi 4 mai, que la compagnie pétrolière française finance, via des comptes offshores, les généraux de la junte. Franceinfo fait le point sur ces révélations.

Que fait Total en Birmanie ?

L'histoire entre la compagnie française et le Myanmar, le nom officiel du pays, est ancienne. L'entreprise exploite depuis 1998 le champ gazier de Yadana et le pipeline qui relie ce dernier à la Thaïlande. Dès les années 1990, Total est sous le feu des critiques : en octobre 1996, la Fédération internationale des droits de l'homme dénonce les déplacements de population et le travail forcé provoqué sur le chantier du pipeline. Selon elle, ce projet est "néfaste et malvenu à maints égards, moralement et politiquement en particulier et il constitue en outre l'occasion de violations graves, répétées et avérées des droits de l'homme".

Si la transition démocratique amorcée en 2011 a offert un répit à l'entreprise française, le coup d'Etat du 1er février a remis sur le devant de la scène les activités du groupe dans le pays. Le 25 mars, des militants d'Extinction Rebellion ont ainsi déversé du faux sang sur le parvis de l'immeuble du groupe à La Défense (Hauts-de-Seine). Le 3 avril, le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, se fendait d'une tribune pour défendre le maintien de ses activités dans Le Journal du dimanche. "Agir au détriment de nos salariés sur place et de la population birmane qui souffre déjà tant, je m'y refuse", se justifie-t-il.

Quels sont ces montages financiers ?

Le coup d'Etat a entraîné une fuite de 120 000 documents officiels de l'administration birmane. C'est en se plongeant dans cette liasse que Le Monde a constaté que l'entreprise propriétaire du pipeline, dont Total est le premier actionnaire, réalisait 98% de bénéfice net avant impôt, une performance exceptionnelle et inhabituelle dans ce secteur d'activité. Ce chiffre signifie que la Moattama Gas Transportation Company (MGTC) facture particulièrement cher le transport à l'entreprise qui exploite le gaz, pourtant détenue par les mêmes actionnaires.

Comment expliquer une telle curiosité ? Selon Le Monde, ce montage permet à Total et ses partenaires de payer très peu d'impôts à l'Etat Birman d'un côté et de verser de généreuses dividendes à ses actionnaires de l'autre. Or, parmi les actionnaires de la MGTC, basée dans le paradis fiscal des Bermudes, se trouve MOGE, une obscure entreprise publique birmane, contrôlée étroitement par les militaires. Autrement dit, l'argent du gaz qui aurait dû se retrouver sur les comptes de l'Etat birman est fléchée vers ceux d'une entreprise qui, selon le quotidien, "échappe à tout contrôle et à toute transparence".

Le Monde relève ainsi que "pendant des années, des milliards de dollars sont ainsi apparus sous la mystérieuse ligne comptable intitulée 'other accounts' [autres comptes], au moins jusqu'à ce que le gouvernement, dirigé par la Ligue nationale pour la démocratie d'Aung San Suu Kyi, ne décide de les interdire en 2019, sans que personne ne sache précisément à quoi ces sommes correspondent". Des sommes bien supérieures aux budgets santé ou éducation du pays.

Que répond l'entreprise ?

Contacté par Le Monde, le groupe Total assure qu'il s'agit d'un "schéma classique" et que tout a "été validé avec les autorités de l'époque et s'est poursuivi avec les gouvernements successifs à ce jour".

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