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Les tensions entre la Chine et le Japon débordent sur le terrain sportif

Un tournoi de badminton, une course cycliste, un marathon et même un championnat de billard sont les victimes collatérales de la crise actuelle entre les deux pays.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les concurrents du marathon de Shanghai passent devant les gratte-ciels du quartier de Pudong, le 4 décembre 2011.  (EUGENE HOSHIKO / AP / SIPA )

SPORTS - Après la diplomatie du ping-pong, la diplomatie du badminton ? La première est restée célèbre pour avoir favorisé le rapprochement entre la Chine et les Etats-Unis en 1971. La diplomatie du badminton est moins... diplomatique : à cause des tensions entre la Chine et le Japon autour de la souveraineté sur les îles Senkaku (que les Chinois appellent Diaoyu), Pékin a retiré son équipe de l'open de badminton du Japon, mercredi 18 septembre. Un détail ? Pas forcément.

Quand le ping-pong rapprochait les peuples

La diplomatie du sport a été théorisée par l'administration américaine comme le moyen de "provoquer une ouverture pour un dialogue accru et une meilleure compréhension culturelle". C'est en prenant un bus ensemble lors du Mondial de ping-pong à Nagoya (Japon), en 1970, que l'équipe américaine et l'équipe chinoise ont lié connaissance. Ce qui a permis, l'année suivante, d'organiser ce match amical ultra-médiatisé. Un prélude à une réelle détente diplomatique entre deux pays qui se considéraient comme des ennemis depuis la guerre de Corée (1950-1953).

Or, en 2012, depuis le début de la crise des îles Senkaku-Diaoyu, la Chine fait exactement l'inverse avec le Japon. Dernier incident en date : le retrait des joueurs chinois de l'open du Japon de badminton, mardi 18 septembre, alors qu'ils étaient les grands favoris de la compétition. Une décision prise à la dernière minute, diplomatiquement qualifiée de "fâcheuse" par le vice-président de la fédération de badminton japonaise, qui a dû procéder en urgence à un nouveau tirage au sort et trouver des remplaçants pour que la compétition ait lieu.

Officiellement, l'équipe chinoise est "fatiguée". Sur Weibo, l'équivalent de Twitter en Chine, la joueuse Wang Lin expliquait que des raisons politiques avaient motivé ce forfait, note le site spécialisé Badzine (en anglais). Avant que le message ne soit effacé, quelques minutes après avoir été posté. En off, un responsable de l'équipe chinoise a reconnu que la politique avait primé sur le sport. Si, en Chine, des manifestations anti-japonaises éclatent régulièrement, au Japon, la situation est pourtant beaucoup plus apaisée. 

Les sportifs japonais indésirables en Chine

Parallèlement, le grand barnum du cyclisme international a pris ses quartiers en Chine, avec le Tour de Chine, et en octobre, le Tour de Pékin, une épreuve sur laquelle l'Union cycliste internationale fonde beaucoup d'espoirs pour développer la petite reine en dehors de l'Europe. Patatras : Aisan Racing Team, l'équipe japonaise engagée, a été incitée à quitter la course "pour sa propre sécurité" après un début en fanfare, couronné par une victoire d'étape. Pourtant, les courses cyclistes en Chine se déroulent devant des rangs serrés de policiers, souvent plus nombreux que les spectateurs, comme lors du Tour de Pékin, l'an dernier.

La course cycliste du Tour de Pékin 2011, placée sous surveillance.  (NG HAN GUAN /AP/SIPA / AP)

Même une compétition de billard à Shanghai a été touchée par des violences anti-japonaises. Un concurrent japonais a été légèrement blessé dans une rixe, le 14 septembre. Du coup, toutes les parties impliquant un joueur japonais se sont déroulées à huis clos, par crainte des violences, note le Shanghai Daily (lien en anglais). Le gouverneur de la ville a conseillé aux 50 000 ressortissants japonais de Shanghai de rester chez eux en attendant que la situation se calme. 

Aucune chance que la polémique retombe avant le mois prochain. Le marathon de Shanghai, prévu à cette époque, a été ajourné... le temps d'écarter manu militari le sponsor japonais de l'événement, la société de produit chimique Toray. Le site internet de l'événement, à l'abandon, résume bien ce qu'on sait de la tenue de la course. Le Wall Street Journal (lien en anglais) rapporte les propos du gouverneur de la ville, qui a expliqué qu'"un marathon parrainé par une firme japonaise ne peut tout simplement pas être organisé aujourd'hui". Tout en ajoutant ce commentaire : "Nous tenons beaucoup à l'amitié avec les peuples voisins, mais pas au détriment de notre propre souveraineté."

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