Le "Beethoven japonais" n'était ni compositeur, ni sourd... et il avait un "nègre"
L'homme qui composait à sa place a mis fin à une supercherie qui durait depuis près de vingt ans, lors d'une conférence de presse et dans un entretien à un hebdomadaire nippon.
La supercherie durait depuis près de vingt ans au Japon. Et c'est grâce aux JO d'hiver de Sotchi qu'elle a pris fin. Celui que l'on présentait comme le "Beethoven contemporain japonais", Mamoru Samuragochi, n'était en réalité pas compositeur de musique classique, et même pas sourd, contrairement à ses dires. Son "nègre", Takashi Niigaki, un professeur de musique à mi-temps âgé de 43 ans, est sorti de l'ombre et d'un silence de dix-huit ans, jeudi 6 février, pour faire cette révélation fracassante.
Le "nègre" dit avoir craqué en apprenant que le patineur japonais Daisuke Takahashi devait concourir avec des chances de médaille sur une musique attribuée au compositeur Mamoru Samuragochi. Devant des dizaines de journalistes, mitraillé par les flashes, Takashi Niigaki a raconté son histoire, au cours d'une conférence de presse retransmise en direct à la télévision japonaise durant plus d'une heure.
Il s'est aussi expliqué dans un entretien à l'hebdomadaire Shukan Bunshun. "Au départ, j'ai accepté, sans m'en faire. Mais il est devenu de plus en plus célèbre, et j'ai commencé à craindre qu'un jour on se fasse attraper. Je pensais être son assistant, mais plus tard j'ai réalisé qu'il était incapable de composer. En fait d'assistant, j'étais complice. A maintes reprises, j'ai voulu arrêter, mais il m'a demandé de continuer en me payant." Son long silence ne lui a pourtant pas rapporté énormément, à l'en croire. En vingt ans, son travail de "nègre" n'a été payé que 7 millions de yen (51 000 euros au cours actuel) pour une vingtaine d'œuvres.
Selon le récit romancé de sa vie, Samuragochi était devenu complètement sourd à 35 ans, mais il a continué à composer, notamment sa Symphonie No.1, Hiroshima, en hommage aux victimes de la bombe nucléaire qui avait ravagé cette ville de l'ouest du Japon le 6 août 1945. Avec ses lunettes fumées et sa longue chevelure noire, le "Beethoven japonais" avait conquis la gloire et les cœurs au fil des ans depuis une vingtaine d'années. Il était même devenu l'idole classique du Japon meurtri en 2011 par le tsunami en composant un requiem pour une fillette dont la mère fut une des quelque 19 000 victimes du drame. Sauf que le requiem était en fait l'œuvre du modeste prof de musique Takashi Niigaki.
Depuis ces révélations, Samuragochi reste muet, mais il a fait savoir mercredi via son avocat, dans un communiqué, qu'il était "profondément désolé d'avoir trahi ses fans et déçu les autres. Il sait qu'il n'a aucune excuse."
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