L'attentat de Karachi, une banale histoire de corruption... ignorée par la justice ?
Que de temps perdu ! Pourquoi aura-t-il fallu sept ans pour que le dossier de l'attentat de Karachi avance enfin ? Parce que l'enquête a mis en lumière des éléments qui n'auraient jamais dû être visibles un jour ? La question se pose de façon de plus en plus insistante aujourd'hui.
Car l'attentat n'a pas été le fait d'islamistes d'Al Qaïda, c'est désormais quasi-certain. Les deux hommes arrêtés, et condamnés à mort, ont finalement été acquittés en appel, faute de preuves suffisantes. La décision est toute récente, elle date du 5 mai dernier.
_ Retour à la case départ, ou presque. Car la piste crapuleuse a semble-t-il été examinée assez rapidement, après l'attentat, avant d'être écartée. Troublant...
Le 2 septembre 2002, révèle aujourd'hui le journal Libération, qui a pu consulter le dossier d'instruction, le directeur de la branche internationale de la DCN écrit de lui-même au juge.
_ Philippe Japiot veut que la société se constitue partie civile, parce que, explique-t-il, la DCN se trouvait directement visée par les terroristes. Et il enfonce le clou : “C'est parce que DCN-International a conclu et mené à bien le contrat du 21 septembre 1994 que des personnels ont été pris pour cible”.
Pour étayer ses dires, Philippe Japiot adresse au juge un exemplaire -tronqué- du contrat. La clause 47 est parfaitement explicite : elle fait état de “corrupt gifts and payment of commissions” - en bon français, des cadeaux de corruption et du paiement de commissions.
_ Des commissions stoppées peu après l'élection de Jacques Chirac à la présidence de la République, en 1995. Charles Millon, à l'époque ministre de la Défense, l'a confirmé hier. “Jacques Chirac m'a demandé de passer en revue les différents contrats de ventes d'armes en cours et de stopper le versement des commissions pouvant donner lieu à des rétrocommissions”, disait-il au site Internet de Paris Match.
Alors ? Pourquoi cette piste n'a-t-elle pas été explorée plus tôt ? En fait, peu après l'attentat, un procureur mène des investigations à Karachi. Il entend notamment un certain Randal Bennett, responsable de sécurité diplomatique à l'ambassade américaine, qui enquête, lui, sur l'assassinat de Daniel Pearl. L'homme est catégorique : l'attentat n'est pas le fait d'Al Qaïda ; mieux vaut chercher du côté de la coopération bilatérale.
_ Le problème, c'est que le dossier est par la suite frappé de nullité, pour vice de compétence territoriale. Et tombe dans les limbes de la justice... Jusqu'à ce que l'enquête soit finalement relancée, par deux nouveaux juges d'instruction.
Guillaume Gaven, avec agences
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