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Jusque dans la mort, le dictateur ouzbek Islom Karimov verrouille l'information

Le président de l'Ouzbékistan Islom Karimov est décédé le 2 septembre 2016 à l'âge de 78 ans. Le chef d'État était hospitalisé depuis six jours dans un hôpital de Moscou, sans qu'aucune information officielle ne fuite. À l'image de sa mort, Karimov aura cultivé, pendant ses 25 ans de règne, le goût du secret dans la dictature qu'il a instaurée dans ce pays d'Asie centrale.
Article rédigé par Valentin Pasquier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
A la tête de l'Ouzbékistan depuis 1991, Islom Karimo, est décédé le 2 septembre 2016 à l'âge de 78 ans. (Stringer / Reuters)

En Ouzbékistan, l'opacité est la règle d'or. Même lorsqu'il s'agit de la santé du président, Islom Karimov, qui dirige le pays d'Asie centrale d'une main de fer depuis son indépendance en 1991. Le 2 septembre 2016, plusieurs sources diplomatiques ont mis fin aux nombreuses rumeurs: le chef de l'Etat de 78 ans est décédé des suites d'une hémorragie cérébrale. 

Aucun communiqué officiel n'avait informé de l'évolution de la santé d'Islom Karimov depuis sa mise en réanimation le 27 août à l'institut Burdenko, prestigieux hôpital de Moscou. Seule information disponible: des photos postées sur le réseau social Instagram par la fille du président, Lola Karimova-Tilliaïeva, qui a annoncé la raison de l'hospitalisation et a régulièrement démenti la mort de son père. Du côté du gouvernement ouzbek, c'est silence radio: aucune déclaration publique.

Un événement gardé secret
Le 1er septembre, l'État avait demandé aux employés municipaux de Samarcande de nettoyer les rues la ville natale du président ainsi que le cimetière de sa famille, laissant envisager la future tenue de funérailles nationales.  Cette journée devait être jour de fête nationale: c'est le 1er septembre que la république d'Ouzbékistan est devenue indépendante de l'URSS, il y a 25 ans. Le feu d'artifice prévu le soir dans la capitale Tatchkent a finalement été reporté. Les autorités ont expliqué cette décision par un match de l'équipe nationale contre celle de Syrie, organisé au même moment. La sépulture pourrait se tenir dès le 3 septembre, des sources diplomatiques kazakhes ayant annoncé leur visite à Samarcande à cette date.

Le secret demeure, même concernant la succession. Ce jeune pays de 32 millions d'habitants n'a pas connu d'autre dirigeant, et Karimov n'a adoubé personne de son vivant. Le Premier ministre Chavkat Mirziyoïev et le vice-Premier ministre Roustam Azimov figurent au premier rang des successeurs potentiels. Le premier semble être l'héritier le plus plausible: chef du gouvernement depuis tout de même 15 ans, Mirziyoïev pourrait être l'homme qui dirige l'Ouzbékistan depuis le 27 août, puisque c'est par le cabinet des ministres, organe qu'il commande, qu'a été annoncée l'hospitalisation de Karimov. Dans l'attente de nouvelles élections, c'est le président de la chambre haute du parlement qui assurera la fonction de chef de l'État par intérim.

Des élections, Islom Karimov en a remporté de nombreuses. Premier secrétaire du parti communiste en 1989, il devient président deux ans plus tard à l'indépendance, puis réélu successivement en 2000, 2007 et 2015. Chaque scrutin est gagné haut la main, avec des scores allant de 85% à 100%.

25 ans de présidence sans partage
Lors de son décès comme au cours de ce quart de siècle au pouvoir, Islom Karimov a habitué les médias et organisations internationales à partir à la chasse aux indices pour connaître la situation politique en Ouzbékistan. Toute information est contrôlée. L'ONU, ainsi que les ONG présentes dans le pays, dénoncent régulièrement les répressions de toute opposition, la pratique de la torture et la censure dans la presse.

Le massacre d'Andijan est l'un de ces tristes exemples. En mai 2005, une vingtaine d'entrepreneurs accusés d'islamisme radical avaient été libérés de la prison de cette ville par des manifestants, qui ont pacifiquement continué leur rébellion dans les rues. Islom Karimov a alors décidé de régler la situation en envoyant l'armée abattre un à un les protestataires. Bilan du gouvernement: 187 morts. Mais des sources des services secrets estiment plutôt à plus d'un millier le nombres de victimes, enterrées pour la plupart en secret dans des fosses communes à la frontière avec le Kirghizistan.

La dictature de Karimov a aussi permis le développement de groupes islamistes radicaux en Ouzbékistan, dont le plus célèbre est le Mouvement islamiste en Ouzbékistan. Ces extrémistes visent à contruire un État islamique au sein de la région, en se basant sur l'héritage des nombreux royaumes musulmans qui ont dirigé la région pendant des siècles. La présence récurrente d'actes terroristes dans le pays peut faire craidre un regain des tensions après la mort du dictateur.

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