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Japon : un simple "incident" ou un grave "accident" nucléaire?

Les experts se succèdent sur France info depuis l’annonce ce matin de l’explosion dans une centrale nucléaire de Fukushima. « Incident » pour les uns, « catastrophe » pour les autres, France Info fait le point sur l’ampleur de l’évènement.
Article rédigé par franceinfo
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  (Radio France Reuters / Yomiuri Yomiuri)

Il y a d’abord les experts pour qui la prudence est de mise, dans l’attente de davantage d’informations sur l’évolution de la situation. Olivier Gupta, directeur général adjoint de l’autorité de sureté nucléaire, parle d’une « situation qui paraît sérieuse », et de « difficultés » sur le site de Fukushima. “On n’est pas a priori sur un risque d’explosion de type Tchernobyl, mais plutôt sur un risque d’endommagement du réacteur.”

Francis Sorin, de la société française de l’énergie nucléaire, évoque, lui, “un accident sérieux. Quant à savoir si on peut craindre une catastrophe de grande ampleur, cela m’étonnerait. Je suis sceptique sur une contamination de l’environnement, car il faudrait que tout le cœur soit en fusion, et que tous les systèmes de protection soient défaillants. Pour autant je n’écarte pas une situation grave et sérieuse.

D’autres se montrent plus alarmistes, et comparent l’explosion à celle de Tchernobyl, en 1986. Pour Michelle Rivasi, député européenne Europe Ecologie Les Verts, “l’évacuation de la population par principe de précaution montre bien tous les risques liés à cette catastrophe naturelle. Les Japonais ont voulu jouer aux apprentis sorciers en installant des centrales dans des zones sismiques. C’est une catastrophe humaine terrible, qui peut entraîner une catastrophe radioactive.”

"L'un des plus graves accidents nucléaires que l'on ait connus"

Pour Yannick Rousselet, chargé des questions nucléaires à Greenpeace France “on est en train de vivre une situation similaire à celle de Three Miles Island. On s’oriente vers l’un des plus graves accidents nucléaires que l’on ait connus. A Tchernobyl, la réaction de souffle avait été immédiate, ici elle a été très lente, mais au fur et à mesure des étapes on se dirige assez inéluctablement vers ce résultat. On fait face à un fort risque d’irradiation pour les personnels. Je pense qu’il n’y a plus rien à faire, à partir du moment où les systèmes de la centrale sont hors d’usage, la situation est inéluctable ”

Car deux éléments ajoutent au pessimisme : d’une part, l’incertitude quant à la localisation exacte de l’explosion, et d’autre part, l’effondrement d’une partie du bâtiment. Car si l’explosion a endommagé l’enceinte de confinement, sorte de rempart qui permet de limiter les rejets en cas d’anomalie, la situation pourrait être très grave. C’est l’avis de Thierry Charles, directeur de la sureté à l’institut de sureté nucléaire “Actuellement, si une explosion a eu lieu qui met en cause les murs du bâtiment, cela peut être potentiellement grave. Mais en cas de fusion du cœur et d’endommagement de l’enceinte, le combustible peut être dispersé et rejeté dans l’environnement.”

A Tchernobyl, il y a 25 ans, le cœur du réacteur était abrité dans un batiment très ordinaire, qui n’avait pas résisté à la fusion du réacteur. A l’inverse, lors de la catastrophe de Three Miles Island (Etats-Unis, 1979), l’enceinte de confinement avait résisté à la fusion, et permis, ainsi, d’éviter le pire.

Stéphane Lhomme, président de l’observatoire du nucléaire : “Il y a très certainement au moins un réacteur dont le cœur est en fusion. On est possiblement dans une situation comparable à Tchernobyl, mais restreinte à l’intérieur de l’enceinte de confinement, ce qui est déjà un mieux. Mais le problème est que la pression monte, et le risque est que l’enceinte de confinement explose, et à ce moment là le nuage radioactif serait libéré. On est très certainement dans le troisième ou quatrième accident le plus grave de l’histoire du nucléaire mondial. Il est quasiment impossible de récupérer un cœur en fusion.”

La question clé désormais est de savoir s’il est encore possible de refroidir le cœur du réacteur, et ce malgré l’endommagement des systèmes classiques (pompes à eau) lors du séisme. Bertrand Barré, professeur à l’Institut des Sciences et Techniques Nucléaire : “Par rapport au séisme, et au tsunami, pas le même ordre de grandeur de gravité, mais c’est un accident sérieux. Le problème se situe au niveau du refroidissement du cœur avec des moyens de fortune. L’effondrement du toit de l’un des bâtiments du réacteur pourrait signifier la perte d’une des barrières contre la réactivité. ”

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