Etude de l'ONU sur les viols : "Les hommes ont estimé que les relations sexuelles leur étaient dues"
Dans six pays d'Asie et du Pacifique, entre 4 et 40% des hommes interrogés ont admis avoir violé une femme. Francetv info a creusé les raisons de tels chiffres avec une conseillère sur cette enquête.
Dans six pays d'Asie et du Pacifique, plus d'un homme sur quatre a déjà violé une femme. C'est le résultat d'une étude (en anglais) menée par l'ONU sur les hommes et la violence, qui a récolté les témoignages de 10 000 hommes en Chine, en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au Bangladesh, au Cambodge et au Sri Lanka. Les résultats varient selon les pays, et l'étude distingue les viols sur les épouses et les petites amies. Les interrogés se sont vus demander s'ils avaient déjà forcé une femme à avoir une relation sexuelle avec eux, sans que le mot viol soit mentionné.
Au Bangladesh, 4,3% des hommes sondés ont admis avoir violé une femme qui n'était pas leur partenaire. Ce chiffre monte à 40,7% sur l'île de Bougainville, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Francetv info a interrogé Rachel Jewkes, conseillère technique pour cette étude des Nations unies.
Francetv info : Vous attendiez-vous à de tels résultats ?
Rachel Jewkes : Nous avons calqué cette étude sur des recherches similaires en Afrique du Sud, et nous pensions trouver des ressemblances. Mais bien sûr, nous ne savions pas exactement ce que nous allions découvrir. Le résultat le plus surprenant est vraiment qu’en prenant un échantillon d'une population générique, on constate que les hommes ayant violé une femme sont très nombreux. Même dans le pays avec le chiffre de viols sur une femme qui n'est pas leur compagne le plus bas, un homme sur vingt admet une "relation sexuelle forcée". Et dans les autres pays, la proportion est encore plus haute. Lorsqu’on inclut le viol sur une partenaire [l'épouse ou la petite amie], le chiffre est encore plus élevé.
L'étude a également montré que les hommes commençaient à commettre des violences bien plus tôt que ce que nous pensions. La moitié de ceux qui ont admis un viol ont déclaré qu'ils étaient adolescents, la première fois. 23% des hommes qui ont violé à Bougainville et 16% au Cambodge avaient 14 ans ou moins lorsqu'ils ont commis ce crime.
La quasi-totalité d'entre eux (entre 72 et 97%) n'ont connu aucune conséquence judiciaire. L'impunité demeure un réel problème dans la région. Cela montre que le viol ne peut pas être uniquement abordé par un biais judiciaire, en appréhendant et incarcérant les violeurs. La prévention est absolument nécessaire.
Comment peut-on expliquer de tels taux ?
La violence contre les femmes est un problème transversal qui existe dans tous les pays, et donc dans tous les endroits que nous avons étudiés. Nous avons trouvé un taux de violence qui tendait à être plus élevé dans les pays aux relations hommes-femmes déséquilibrées, où les taux de violence contre les enfants sont plus hauts, où les cadres légaux pour protéger les femmes sont moins développés et où le niveau d’acceptation de la violence faite aux femmes est plus élevé.
Comment les hommes ont-ils expliqué leur comportement ?
Dans tous les lieux étudiés, la justification la plus commune était que les relations sexuelles leur étaient dues. Avec cette croyance, peu importe que les femmes y consentent ou pas. Plus de 80% des hommes qui ont admis des viols dans une zone rurale du Bangladesh et en Chine ont donné cette réponse.
Est-ce que l'histoire violente d'un pays peut expliquer ces chiffres ?
Il est vrai que les taux les plus élevés de violences, en particulier de violences sexuelles, se retrouvent dans les endroits qui ont été récemment affectés par un conflit. Les guerres et les affrontements semblent contribuer à augmenter les agressions contre les femmes. Mais d'un autre côté, nous pouvons constater que la violence apparaît également dans des endroits qui n’ont pas connu de conflits récents. Cela ne peut donc pas être considéré comme la cause principale.
L’étude montre que la violence est liée à de nombreux facteurs, notamment les inégalités entre les genres, le taux d'enfants victimes d'abus sexuels, l’acceptation de la violence et la vision d’une masculinité qui célèbre la brutalité.
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