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Birmanie: des milices populaires armées contre les Rohingyas
Début novembre 2016, le nord de l’Etat birman Rakhine est plus que jamais sous tension. La minorité musulmane des Rohingyas y vit dans la terreur. Des témoignages font état de viols, de violences et de meurtres commis par les forces de sécurité. Aujourd’hui, les militaires veulent armer les civils non-musulmans et les former dès le 7 novembre au maniement des armes.
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Selon le site de Time, «la police birmane a indiqué qu'elle allait bientôt commencer à armer et à former des civils dans le cadre des opérations antiterroristes en cours dans l'Etat Rakhine (…), après une attaque meurtrière menée contre des patrouilles aux frontières» le 9 octobre, dans le canton de Maungdaw frontalier du Bangladesh. «Le gouvernement a attribué les attaques aux militants soupçonnés d'appartenir à la communauté musulmane Rohingya.»
Des officiers de la police ont précisé à Reuters que les non-musulmans résidents dans le nord de l'Etat recevront effectivement des armes et d'autres équipements et qu’une centaine d’entre eux seront formés à partir du 7 novembre à Sittwe (la capitale rakhine). But, selon les autorités: mettre en place une milice populaire à la demande des habitants pour arrêter de présumés djihadistes.
400 personnes recherchées par l'armée
Les Rohingyas, minorité musulmane apatride, constituent la majeure partie de la population du nord de l'Etat Rakhine. Considérés comme des immigrés illégaux par beaucoup de bouddhistes, religion majoritaire en Birmanie, ils n'ont pas accès aux soins, au marché du travail, à l'école pour les enfants et n'ont pas de liberté de déplacement.
Depuis l’attaque du 9 octobre, les militaires qui recherchent des centaines de personnes ont verrouillé la zone. Ils y ont suspendu l'aide humanitaire et interdit toute présence de médias indépendants. Et la répression continue, comme le montre la vidéo ci-dessous.
Les Nations Unies demandent une enquête
Les musulmans vivant dans la région contrôlée par les forces armées, y subiraient ainsi des maltraitances, des viols (des dizaines de femmes, selon Reuters) et des exécutions sommaires. Interrogé par l’agence de presse sur le témoignage d'une femme de 40 ans, qui dit avoir été violée par quatre soldats, Zaw Htay, porte-parole du président birman Htin Kyaw, a réfuté ces exactions.
«Des représentants des Nations Unies et des diplomates américains ont demandé une enquête sur les allégations selon lesquelles les militaires ont maltraité des civils dans la zone», a précisé Time. Des diplomates étrangers ont pu rencontrer le 2 novembre des habitants déplacés (plus de 15.000 en totalité, principalement des Rohingyas) par l'incendie de leur village. Ces derniers leur ont confirmé les violences dans l'ouest de la Birmanie.
Dans le Tweet ci-dessous, l'armée accuse les villageois de brûler eux-mêmes leurs maisons
In #Myanmar state paper: suggestions that #military wrongly accused of burning #rakhine #rohingya villages & residents did it themselves pic.twitter.com/eJyJ6JSSbg
— May Wong (@MayWongCNA) October 30, 2016
100.000 Rohingyas toujours dans des camps
Aung San Suu Kyi, chef de facto de Birmanie qui réfutait le terme de «génocide», comme le rapportait Géopolis avant les législatives de 2015, n’a pas fait de commentaires sur les opérations militaires. Son entrée en fonction en avril 2016, comme ministre des Affaires étrangères, conseillère spéciale de l'Etat et porte-parole de la Présidence, a mis fin au pouvoir militaire. Mais l'armée contrôle toujours la sécurité et la défense des frontières et exerce un pouvoir politique et économique.
La décision d’armer les civils bouddhistes pourrait, selon des observateurs des droits de l'Homme et des membres de la communauté rohingya, aggraver les tensions dans la région. Ce contexte fait craindre de nouvelles violences interconfessionnelles comme celles de 2012, qui avaient fait plus de 100 morts et des dizaines de milliers de déplacés. Aujourd’hui, plus de 100.000 Rohingyas s'entassent toujours dans des camps de réfugiés.
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