Birmanie : attention, tourisme de masse
Toutes les personnes qui y sont allées vous le diront : la Birmanie est un pays magnifique. Sa beauté a d’ailleurs été courtisée par plus d’un million de touristes en 2012. En 2011, ils étaient déjà 365.000, soit 22% de plus qu’en 2010 et près du double par rapport à 2003.
Mais dans un pays où les familles et proches de la junte militaire (au pouvoir jusqu’en 2011) possèdent la quasi-totalité des entreprises touristiques, se payer un séjour aux pays des pagodes d’or peut revenir à soutenir un régime qui reste autoritaire.
Alors que les sites des agences de voyages vendent les voyages en Birmanie comme des promenades au paradis, le site Info Birmanie a récemment publié un rapport dans lequel il appelle à la responsabilité des voyageurs.
«Le défi consiste à récolter les bénéfices d’une industrie touristique en plein essor qui donnerait à l’économie un coup de fouet nécessaire tout en minimisant le plus possible les conséquences néfastes qu’un tel développement pourrait avoir», indique la Ligue Nationale pour la Démocratie, le parti d’Aung San Suu Kyi, citée dans ce rapport.
Fin du boycott mais pas de la vigilance
«La Birmanie sera encore là pendant de nombreuses années, alors (…) rendez-nous visite plus tard. Nous rendre visite maintenant reviendrait à cautionner le régime actuel», déclarait l’opposante en 1999.
Aujourd’hui, la Dame de Rangoun n’appelle plus au boycott mais incite les étrangers à ne pas oublier les difficiles conditions de vie des Birmans. La presse y est encore muselée et toute protestation violemment réprimée.
Reporters sans Frontières s’est inquiété ces derniers jours d’«un grave recul pour la liberté de la presse» dans le pays alors que cinq journalistes ont été condamnés à dix ans d’emprisonnement avec travaux forcés pour «violation des secrets d’Etat».
L’émission de M6 Pékin express avait également fait polémique en avril 2014 en choisissant la Birmanie pour sa dernière saison. Des pétitions avaient alors dénoncé l’irresponsabilité de la chaîne de présenter le pays uniquement à travers la beauté de ses paysages alors que des violences communautaires y font rage et causent de nombreux morts.
Certains tours opérateurs ont d’ailleurs choisi de ne pas proposer ce pays dans leur catalogue. C’est le cas du site Ecovoyageurs. Son directeur, Théophane Desvages, s’en est expliqué en avril sur le site du Nouvel Observateur.
Hôtellerie balbutiante
La junte militaire a beau avoir le monopole de l’hôtellerie birmane, celle-ci est très loin d’être aussi développée que chez son voisin thaïlandais. Le pays est en nette sous-capacité hôtelière.
Difficile dans ce cas d’accueillir un million de touristes. La conséquence de cette hausse soudaine de la fréquentation est une explosion des prix. L’Echo touristique parlait en janvier 2013 de prix multipliés par deux ou trois dans certains établissements de Rangoun, prisés des «hommes d’affaires et diplomates».
«Pour être vraiment honnête, à ce stade, je ne pense pas que la Birmanie soit prête à faire face à la demande du tourisme de masse», estime ainsi Thomas Moons, un responsable du Governor's Residence à Rangoun, un hôtel de luxe constamment plein, dont les propos sont rapportés par l’AFP.
Attirer les investisseurs
Ces derniers mois, le tourisme birman est mis en danger pas des violences anti-musulmanes dans l’Etat d’Arakan et à Mandalay, la deuxième ville du pays. Le Quai d’Orsay met en garde les voyageurs sur son site et incite à la plus grande prudence.
Limiter l’influence des moines bouddhistes radicaux devient une réelle urgence pour l’Etat birman. «Sur le long terme, cela (les violences communautaires) peut devenir un problème et être un frein au développement du tourisme», a déclaré à l’AFP Sean Turnell, un expert de l’économie birmane.
Pour attirer touristes et investisseurs étrangers, le pays a besoin d’une stabilité durable.
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