Bangladesh: mariées avant 15 ans
Elle s’appelle Beezly Boy. Elle a 13 ans. Vêtue de beaux atours, elle pleure alors que des adultes l’entraînent pour son mariage. «Un jour, c’est un enfant, le lendemain, c’est une femme mariée», explique le commentaire.
Ces images poignantes figurent dans un sujet d’Al-Jazira, intitulé Trop jeune pour être mariée et diffusé en janvier 2016. «Trop jeune pour être mariée» à un homme qui peut être deux fois plus âgé qu’elle…
Le phénomène est fréquent dans un pays où 66% des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans, rappelle l’Unicef. Il s’agit du taux le plus élevé au monde. Dans le même temps, seules 45% des adolescentes sont inscrites à l’école. Et elles sont encore moins nombreuses à la fréquenter régulièrement. D’autant que les familles n’ont pas forcément les moyens d’assumer les frais de scolarité.
Pauvreté et catastrophes naturelles
D’une manière générale, la misère est l’un des principaux facteurs expliquant le phénomène du mariage des enfants: près d’un tiers des Bangladais vivent sous le seuil de pauvreté. Dans un contexte culturel qui valorise les garçons, une fille qui part chez son époux est ainsi une bouche de moins à nourrir pour sa famille. Plus elle est jeune, moins la dot à verser, exigée par la tradition, est élevée. Et ce même si la pratique de la dot, qui oblige la famille de la fiancée à payer des sommes importantes, est illégale. Des violences sont observées contre les jeunes épousées quand leurs proches sont dans l’incapacité de payer, note l’Unicef.
Aussi paradoxal que celui puisse paraître, le mariage peut aussi être, pour les parents, un moyen de protéger leurs filles. Notamment face au «harcèlement sexuel et (aux) menaces d’enlèvement auxquels font face de nombreuses jeunes filles», observe Human Rights Watch (HRW).
C’est aussi un moyen de protection face aux catastrophes climatiques qui touchent fréquemment ce pays de 161 millions d’habitants, à la superficie quatre fois moins grande que celle de la France (densité: 1237 habitants au km², contre 117 dans l’Hexagone). Le Bangladesh subit au moins une telle catastrophe par an, entre cyclones, tornades, inondations, sécheresses, séismes…
Ces drames feraient baisser chaque année de 3% le PIB bangladais, selon l’Agence suisse pour le développement et la coopération, citée par Libération. «Le changement climatique rend ces catastrophes plus fréquentes et plus dévastatrices. Ainsi, tous les ans, des villages et des terrains sont dévastés, des familles mises à la rue. En prévision de tels événements, certains parents préfèrent marier leurs filles, et leur assurer un futur dans une autre famille», rapporte le quotidien français.
Comment combattre le phénomène?
Officiellement, l’âge des noces pour les adolescentes au Bangladesh est fixé à 18 ans. Et ce depuis 1985. Une disposition qui n’est guère respectée, comme le montrent les chiffres de l’Unicef. En 2014, la Première ministre Sheikh Hasina a promis de prendre des mesures pour mettre fin par étapes d’ici 2041 au mariage des enfants. Mais ces promesses «sont déjà entachées de retard», constatait en 2015 un rapport de HRW. Notamment parce qu’une réforme propose de faire passer l’âge nuptial à 16 ans pour les filles (et 18 ans pour les garçons). De plus, le mariage serait autorisé pour une enfant «au cas où elle tomberait enceinte accidentellement ou illégalement, et ce afin de protéger son "honneur"».
La réforme, et particulièrement cette dernière disposition, sont vigoureusement contestées par certains éléments de la société civile. Une telle mesure ne peut que favoriser les islamistes radicaux, explique ainsi le Samajik Pratirodh Committee, qui regroupe 69 organisations luttant pour les droits de l’Homme et le développement. «La loi a été conçue en prenant en compte la réalité de notre société», a rétorqué Sheikh Hasina le 7 décembre 2016.
Le seuil de 18 ans «n’a pas empêché le mariage des enfants en raison de l’application relativement laxiste de telles lois», juge de son côté le Dhaka Tribune. Lequel journal a précisé dans son édition du 3 janvier 2017 que le phénomène avait presque doublé en 2016. Précisons qu’une autre étude affirme qu’il est en déclin…
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