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Bangladesh : le jugement des crimes de la guerre d’indépendance

Au Bangladesh, un tribunal spécial est chargé de juger les crimes de la guerre d’indépendance, qui s’est déroulée en 1971. Plusieurs dirigeants islamistes ont ainsi été condamnés à mort pour des faits commis il y a 40 ans. L'opposition et les associations des droits de l'homme critiquent ces procès. Certains observateurs pensent cependant que ceux-ci ont joué un rôle de «catharsis».
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2min
Des policiers bangladeshis protègent l'entrée du Tribunal international des crimes de guerre à Dacca lors de la tenue d'un procès le 29 octobre 2014. (AFP - Munir Uz Zaman)

Le Tribunal international des crimes au Bangladesh (ICT) a été mis en place en 2010 par le gouvernement du pays pour juger les violences (commises notamment par l’armée pakistanaise) pendant la guerre d’indépendance. Une guerre qui avait opposé le Pakistan à sa province orientale, à l’est du sous-continent indien, et qui a abouti à la sécession de cette dernière. Selon les chiffres officiels, elle aurait fait trois millions de morts. Alors que les estimations indépendantes évoquent plutôt entre 300.000 et 500.000 victimes.

A l’issue d’une série de procès, l’ICT a condamné à mort une dizaine de dirigeants islamistes accusés d'être à l’origine ou d’avoir dirigé les massacres pendant le conflit parce que hostiles à la partition. La dernière condamnation remonte au 2 novembre 2014. Elle visait un magnat de la presse islamiste, Mir Quasem Ali : il aurait dirigé, en 1971, une cellule de torture pour le compte d’une milice pro-pakistanaise.
 
Pour le gouvernement, ces procès servent à panser les plaies de la guerre d’indépendance et aideront le pays à tourner la page du conflit. Mais ce processus judiciaire, promis par la Première ministre, Sheik Hasina Wajed, pendant la campagne électorale de 2008, est très controversé.

Des plaies toujours à vif
Alors que le pouvoir insiste sur l'imprescriptibilité des crimes jugés, les islamistes l'accusent d'exagérer l'ampleur des massacres et d'utiliser le tribunal à des fins politiques pour museler l'opposition. De leur côté, des associations de défense des droits de l'homme, notamment Amnesty International et Human Rights Watch, estiment que les procès ne répondent pas aux normes du droit international.
 
Il n’en reste pas moins que cette affaire a, aux dires de certains observateurs, joué un rôle de «catharsis». Des victimes, notamment de viols, sont venues témoigner à huis clos. «Pour la première fois, ceux qui luttaient contre l'indépendance et pour le rattachement du Bangladesh au Pakistan, au nom de l'islam, ont reconnu les atrocités de 1971, sans toutefois admettre leur responsabilité. La mémoire des heures sombres du pays s'est donc éclaircie», constate Le Monde.

Pour autant, cela n’a pas suffi à ramener la sérénité dans le pays. «Loin d'apaiser la société bangladaise, les procès des crimes de guerre ont, au contraire, ravivé les tensions et les blessures héritées de l'indépendance. Le combat a changé de nature, mais la ligne de fracture reste la même : elle oppose les laïcs aux islamistes», ajoute le quotidien français.

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