Aux journalistes, Pékin offre Internet en version censurée
"Impossible d'afficher la page", "Erreur 404"... Les milliers de journalistes qui vont converger dans les prochains jours vers Pékin vont connaître le quotidien des internautes chinois. "Impossible d'afficher la page" répondra le serveur lorsqu'ils tenteront d'accéder aux sites de Reporters sans Frontières, de Deustche Welle - la radio allemande diffusant pour l'étranger - ou encore aux pages Internet consacrées aux événements de Tiananmen, en 1989.
"Impossible d'afficher la page", quand bien même les journalistes se connecteraient depuis le centre réservé à la presse, au coeur de Pékin. Et c'est cela qui crée la polémique.
_ Car la censure pratiquée par les autorités chinoises sur Internet n'est ni nouvelle ni inconnue. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est que cette censure soit également appliquée aux accès Internet réservés aux 21.500 journalistes accrédités, dans le centre de presse. Alors même que Pékin avait promis aux médias un accès libre et complet à Internet.
"Notre promesse était que les journalistes pourraient se servir d'Internet pour leur travail pendant les jeux Olympiques. Et nous leur avons donné suffisamment d'accès pour cela" rectifie aujourd'hui un porte-parole du comité d'organisation, récusant toute possibilité d'accès illimité.
Pékin a négocié la censure d'Internet avec le CIO
Pourtant, ces dernières semaines, des membres du Comité International Olympique s'était félicités tout haut que Pékin soit prêt à autoriser une "liberté totale de reportage" aux journalistes accrédités. "Il n'y aura pas de censure sur Internet" avait assuré le président du CIO Jacques Rogge.
Le CIO s'est-il donc insurgé que Pékin annonce aujourd'hui la mort sur cette "liberté totale" ? Pas vraiment... tout simplement parce que les autorités chinoises "ont toujours fait clairement savoir que l'accès à certains sites posait problème" reconnaît ce soir Giselle Davies, la porte-parole du CIO. Le Comité a donc accepté dès le départ de négocier avec l'administration pour "que les médias aient le moins de restrictions possibles".
Résultat : "certains sites sensibles", qui "ne sont pas considérés comme directement liés aux Jeux" seront bloqués avec l'accord du CIO. Quant au prétendu "accès libre", il ne concernera en fait... que les sites liés aux "compétitions olympiques".
Voilà qui provoque un tollé chez les représentants des journalistes présents en Chine et chez les organisations de défense des droits de l'Homme.
_ En France, droite et gauche s'accordent à condamner cette censure : "pas très rassurante" et contraire à cette "fête de la liberté" que sont les JO aux yeux du député PS Pierre Moscovici, qui s'exprimait sur RTL, elle est une "grave erreur" selon Dominique Paillé, porte-parole de l'UMP.
Céline Asselot avec agences
Exemples de sites censurés :
- Sites des dissidents chinois, comme Boxun.com ou Faluninfo.net du mouvement d'inspiration bouddhiste Falungong, interdit en Chine depuis 1999.
- Sites de médias, comme Radio Free Asia, la radio allemande diffusant pour l'étranger Deutsche Welle, la BBC en chinois, les journaux en chinois diffusés depuis Taïwan (Liberty Times) et Hong Kong (Apple Daily)...
- Sites d'organisations de défense des droits de l'Homme, comme Amnesty International ou Reporters sans frontières
- sites pro-tibétains ou consacrés aux événements de Tianamen de 1989
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