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Au Pakistan, Daech et talibans se font concurrence

Un attentat-suicide a fait 72 morts le 8 août 2016 à l'hôpital civil de Quetta au Balouchistan (ouest du Pakistan). Difficile d'identifier les responsables: une branche des talibans pakistanais et le groupe Daech ont affirmé tour à tour être derrière cet attentat sanglant.
Article rédigé par Valentin Pasquier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Deux pakistanais s'étreignent devant l'hôpital civil de Quetta, théâtre d'un attentat à la bombe le 8 août 2016. (Naseer Ahmed / Reuters)

Un nouveau bain de sang, causé par un attentat-suicide, a frappé le Pakistan, le 8 août 2016. En début d'après-midi, une bombe a explosé dans l'hopital civil de Quetta, capitale du Baloutchistan, province instable du sud-ouest du pays. Plus de 200 visiteurs, dont de nombreux journalistes et juristes, s'étaient réunis aux urgences pour rendre hommage à Bilal Anwar Kasi, bâtonnier de la région assassiné seulement quelques heures avant l'explosion. 72 personnes sont mortes suite à l'explosion.

Un attentat, deux revendications
«Il semble que ce soit une attaque préméditée» a déclaré un porte-parole du gouvernement local du Baloutchistan, laissant entendre que les mêmes responsables sont derrière ces deux événements sanglants. 

Des habitants de Quetta rendent hommage aux victimes le lendemain de l'explosion, le mardi 9 août 2016. (BANARAS KHAN / AFP)


Le meurtre de Kasi, abattu le matin du 8 août dans sa voiture par des hommes non-identifiés en moto, avait été revendiqué par Jamaat-ul-Ahrar, une branche dissidente des talibans du Pakistan. Puis, dans un communiqué envoyé à la presse, ceux-ci ont aussi affirmé «prendre la responsabilité» de l'attentat-suicide de l'hôpital et promettent d'autres offensives «jusqu'à l'instauration d'un système islamique» au Pakistan.

Cependant, le groupe Daech a lui aussi affirmé en être l'auteur dans la soirée du 8 août, via son agence de communication Amaq«Un kamikaze de l'État islamique a déclenché sa ceinture explosive lors d'un rassemblement d'employés du ministère de la Justice et de la police pakistanaise dans la ville de Quetta». Cette double revendication montre que l'attentat de l'hôpital est l'objet d'une guerre de communication entre les deux principaux groupes terroristes qui sévissent au Baloutchistan, région pauvre et peu peuplée du Pakistan, à la frontière avec l'Iran et l'Afghanistan.

Une concurrence pour l'horreur
Jamaat-ul-Ahrar existe depuis août 2014. Il est issu d'une scission idéologique divisant le principal groupe rebelle du pays, le Mouvement des talibans du Pakistan (en ourdou: «Tehriq-el-Taliban Pakistan», TTP). Le groupe se déclare alors en accord avec Daech. Sans pour autant prêter allégeance à l'organiqation djihadiste. A la même époque, une vaste opération militaire est lancée par les autorités pakistanaises pour débusquer les rebelles talibans dans le Waziristan (région frontalière avec l'Afghanistan), 


Carte représentant le Pakistan avec, en orange, la province du Baloutchistan, et en vert les «provinces tribales» (dont le Waziristan fait partie) aux mains des talibans. Au nord-est, lles autorités d'Islamabad occupent militairement une partie du Cachemire.

Tandis que l'influence du TTP faiblit au Pakistan, Jamaat-ul-Ahrar s'est taillé, en peu de temps, la réputation d'être le groupe terroriste le plus dangereux du pays. Cette organisation est à l'origine du massacre de 75 personnes dans un parc de Lahore en mars 2016, mais aussi celui de 55 personnes à Wagah en novembre 2014, à la frontière avec l'Inde. Régulièrement, le groupe terroriste mène des attaques contre les lieux de culte des musulmans chiites et des chrétiens.

Face à des talibans solidement établis entre le Pakistan et l'Afghanistan, la branche locale de Daech a bien du mal à s'implanter dans la région. Bien plus actif de l'autre côté de la frontière (il est derrière l'attentat de Kaboul du 24 juillet 2016), il a néanmoins signé l'assaut du bus à Karachi le 13 mai 2015. Cette fusillade avait alors coûté la vie à 45 Pakistanais chiites.

Interrogé par l'AFP, le journaliste Rahimullah Yousafzai, fin connaisseur des talibans, émet des doutes sur les deux revendications. Il souligne que peu de preuves indiquent pour le moment la présence de Jamaat-ul-Ahrar et de Daech au Baloutchistan.


Les avocats de Quetta protestent contre l'assassinat de leurs collègues dans les rues de Quetta, le 9 août 2016. Une grève du barreau a été annoncée. (AAMIR QURESHI / AFP)


À la frontière avec l'Iran et l'Afghanistan, le Baloutchistan est une région riche en gisements pétroliers et gaziers qui abrite de nombreux groupes armés, confessionnels ou séparatistes. Dans la capitale, Quetta, trois jours de deuil ont été annoncés. Communauté très soudée dans la région, les avocats, dont les dirigeants sont tous décédés dans l'attentat, symbolisent des valeurs modérées que les terroristes pakistanais désavouent.

Le premier-ministre Nawaz Sharif, a ordonné de nouvelles mesures de sécurité, tout en préconisant l'unité du peuple: «Nous ne laisserons personne troubler cette province la paix qui y a été restaurée  grâce aux nombreux sacrifices des forces de sécurité, de la police et du peuple».

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