Haut-Karabakh : l'accord de cessez-le-feu est "une humiliation nationale" pour l'Arménie
Le correspondant du Monde Rémy Ourdan a suivi la guerre au Haut-Karabakh. Selon lui, l'accord signé entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan n'est pas un accord de paix.
"C'est une humiliation nationale arménienne très forte, un sentiment d'avoir été abandonné par le monde entier", selon Rémy Ourdan, invité de franceinfo, ce mardi 10 novembre. Le correspondant de guerre au journal Le Monde est actuellement à Erevan, capitale de l'Arménie, alors qu'un accord a été signé entre le Premier ministre arménien et l'Azerbaïdjan sous l'égide de la Russie, mettant fin à six semaines de conflits dans la région du Nagorny Karabakh. Un accord qui consacre une victoire azerbaïdjanaise selon le journaliste, "C'est plus qu'un cessez-le-feu, mais ce n'est pas non plus un accord de paix. Ce n'est pas la paix."
franceinfo : savez-vous si le cessez-le-feu sous l'égide de la Russie est respecté ?
Rémy Ourdan : pour l'instant, ce cessez-le-feu est respecté. Il a donc été accepté officiellement par les deux parties : l'Arménie et l'Azerbaïdjan, mais aussi par la troisième, le Haut-Karabakh qui n'a jamais été reconnu internationalement, mais dont le président a fait savoir qu'il était évidemment solidaire de ce cessez-le-feu.
C'est donc une défaite pour les Arméniens ?
La défaite est très claire et très importante. Ce qu'on voit de l'accord, pour l'instant, c'est que l'Arménie - après plus d'un quart de siècle - perd le contrôle militaire du Haut-Karabakh au profit d'une force de paix russe. Mais aussi que l'Azerbaïdjan récupère les sept districts contestés que l'Arménie avait conquis (toutes les négociations depuis 25 ans portaient sur cinq districts, là, l'Azerbaïdjan récupère l'intégralité des districts). C'est donc une défaite cuisante pour l'Arménie [...] Concernant les Arméniens, c'est d'abord un sentiment d'humiliation nationale, sans doute un peu le même que celui qu'avait vécu l'Azerbaïdjan en 1994, lorsqu'il avait perdu la précédente guerre du Haut-Karabakh. Là, c'est une humiliation nationale arménienne très forte, un sentiment d'avoir été abandonné par le monde entier. [...] En revanche, près du front, pour les combattants qui ont vécu ces dernières semaines au front, je pense qu'il y aura quand même une part de soulagement. Même si certains étaient sans doute favorable à poursuivre la lutte, le combat était vraiment très inégal : l'Azerbaïdjan avait la maîtrise des airs avec les drones.
Les civils ont-ils été beaucoup touchés dans cette guerre ?
Pour une fois, et c'est très rare depuis la Seconde Guerre mondiale, les civils ont été très peu touchés dans cette guerre. On dénombre 45 morts d'un côté et 93 de l'autre. C'est triste mais c'est très peu au regard de la violence des bombardements. C'était une guerre conventionnelle, une guerre de soldats, une guerre de combattants. L'une des raisons également pour lesquelles peu de civils ont été tués, c'est que le Haut-Karabakh a été vidé de sa population très rapidement au cours des premières semaines. Il y a même eu un ordre d'évacuation de la ville de la part des autorités, qui le démentent. Les habitants étaient donc partis. C'est donc une ville extrêmement vide.
Pensez-vous que le conflit soit fini ?
Je pense qu'à long terme, la guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan est loin d'être réglée. D'ailleurs, Vladimir Poutine a parlé d'un cessez-le-feu total : c'est donc plus qu'un cessez-le-feu, mais ce n'est pas non plus un accord de paix. Ce n'est pas la paix. Ces deux pays sont "en guerre". On peut cependant imaginer que là, ce cessez-le-feu va être respecté un certain temps. C'est difficile de faire des prédictions. Évidemment, ce conflit - comme celui du des années 90 - ne règle pas du tout l'affaire dans le Caucase du Sud.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.