Aquarelles d'Hitler, exemplaires dédicacés de "Mein Kampf" : ces vestiges nazis mis aux enchères
Un hôtel des ventes californien a mis en vente une toile peinte par le führer en 1912, ainsi qu'un exemplaire dédicacé de "Mein Kampf". Une vente étonnante, mais qui n'a rien d'exceptionnel.
Quelques fleurs peintes à l'aquarelle, dans un vase en céramique bleue. Quelques mots griffonnés en introduction d'un livre. L'annonce, lundi 23 mars, de la mise aux enchères d'objets portant la signature d'Adolf Hitler crée à nouveau la polémique.
Un hôtel des ventes californien, Nate D. Sanders, a mis en vente une toile peinte par le führer en 1912 (prix de départ : 30 000 dollars), ainsi qu'un exemplaire dédicacé de Mein Kampf, mis à prix pour 35 000 dollars.
Retour sur un business qui fructifie entre fascination morbide et devoir de mémoire.
Entre 30 000 et 130 000 euros pour une aquarelle du führer
Dans ses jeunes années, Adolf Hitler avait cherché à s'inscrire à l'Académie de Vienne pour y suivre des études d'art, mais sa candidature avait été rejetée au motif d'un manque de talent. Les experts jugent médiocre la production artistique de Hitler et les grandes maisons d'enchères refusent généralement de proposer des œuvres du dictateur. Pourtant, en novembre 2014, un tableau réalisé en 1914 par le fondateur du parti nazi a été vendu aux enchères 130 000 euros. Ce tableau, qui représente la mairie de Munich, a été acheté par un client anonyme lors d'une vente à la maison Weidler, à Nuremberg (Allemagne).
Cinq ans plus tôt, deux aquarelles attribuées à Hitler avaient été vendues en 2009 à Nuremberg, pour la somme de 32 000 euros, rappellait Slate. "Une somme bien trop élevée eu égard à la qualité artistique des tableaux, d'après les historiens de l'art." Cité par le site, un employé d'une maison de vente aux enchères munichoise indiquait alors qu'il existerait "un cercle de collectionneurs, petit mais en augmentation, aux États-Unis et en Russie".
"Mein Kampf", une vente légale, mais qui choque
L'hôtel des ventes californien propose également à la vente un coffret contenant une édition originale en deux volumes de Mein Kampf, le livre dans lequel Adolf Hitler théorise les fondements de l'idéologie nazie. L'ouvrage a été dédicacé dans les années 1920 de la main du führer, à l'occasion d'un cadeau de Noël offert à Philipp Bouhler, présenté par CNN comme la "douzième personne à avoir rejoint le parti nazi". Il est l'homme qui, pendant la seconde guerre mondiale, a supervisé l'extermination de 70 000 personnes handicapées, enfants et adultes.
Selon l'hôtel des ventes, un autre exemplaire en deux volumes de Mein Kampf a été vendu aux enchères en 2014, pour un montant de 64 850 dollars. La même année, en France, un collectionneur et la maison d'enchères Pierre Bergé & Associés ont dû retirer l'ouvrage d'un lot, mis en vente chez Drouot, en raison de la mobilisation d'associations. Le livre avait été estimé entre 3 000 et 4 000 euros. "Aujourd'hui, il est possible de vendre un exemplaire de la version originale allemande dans le cadre d'une vente publique (enchères) ou privée (de gré à gré) car il n’existe pas d’interdiction formelle du livre", avait expliqué à l'époque l'avocat Charles-Edouard Renault, dans une tribune publiée par Le Plus du Nouvel Obs.
Le commerce polémique d'objets du Troisième Reich
En avril 2014, la maison d'enchères Vermot de Pas, à Paris, a dû retirer de sa vente des lots polémiques : une quarantaine d'objets, parmi lesquels des livres, documents administratifs, des meubles et de la vaisselle provenant de la résidence d'Hitler et de celle d'Hermann Goering. "On ne peut pas exposer au public des croix gammées ou en publier des images mais, légalement, on peut tout vendre", avait affirmé Yves Salmon, un expert de la vente cité par Le Parisien. Sous la pression du ministère de la Culture, à l'époque dirigé par Aurélie Filippetti, et du Conseil représentatif des institutions juives de France, le Conseil des ventes volontaires, autorité de régulation des ventes publiques, avait "décidé de retirer de la vente ces lots qui étaient de nature à choquer les uns et les autres", rappelait Le Nouvel Obs.
Pourquoi vendre un portrait d'Adolf Hitler entre 100 et 200 euros ? Un petit napperon brodé représentant l'aigle nazi ainsi qu'une croix gammée pour 200 à 300 euros ? "Notre démarche n'avait rien de politique, elle relevait du devoir de mémoire", avait alors expliqué Laudine de Pas, codirectrice de la maison de ventes. Un argument régulièrement avancé par les collectionneurs.
En janvier 2014, les passionnés d'histoire militaire se sont retrouvés dans la salle des ventes de Cherbourg (Manche), pour la vente aux enchères de près de 350 objets militaires, du XVIIe au XXe siècle, parmi lesquels des vestiges du nazisme. "Aujourd'hui ce sont des collectionneurs de l'histoire, ça n'a rien à voir avec une idéologie", avait déclaré Samuel Boscher, commissaire-priseur de la vente. "Certes, les idéologues aiment les insignes, les emblèmes, mais ils n'ont pas besoin d'objets de collection, ils préfèrent les avoir en plastique, ça coûte beaucoup moins cher et ça fait malheureusement autant d'effet dans leurs esprits."
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