Venezuela: Paula, femme de ménage, manifeste elle aussi contre Maduro
Dans le quartier populaire de Petare, bastion chaviste de l'est de Caracas, Paula Navas s'apprête à défiler contre le président socialiste Nicolas Maduro au nom de sa fille Anhely, 22 ans, morte la semaine dernière à l'hôpital, faute de médicaments pour la soigner.
La disparition est récente. Et cette femme de 50 ans fond en larmes quand on prononce le prénom Anhely. Agée de 22 ans, la jeune femme était la cinquième de ses neuf filles qu'elle élève seule.
«Elle ne ratait aucune marche», se souvient Paula Navas, certaine que sa fille aurait été à ses côtés le 19 avril pour le grand rassemblement convoqué par l'opposition. Les antichavistes (du nom du défunt président Hugo Chavez, qui a gouverné de 1999 à 2013), dont c'est le sixième rassemblement depuis début avril, ont promis qu'il s'agirait de «la mère de toutes les manifestations». Ils exigent des élections anticipées et le respect du Parlement, la seule institution qu'ils contrôlent depuis fin 2015.
L'opposition de centre droit a engagé un bras de fer avec le chef de l'Etat dont elle demande le départ, dans un pays étranglé par une crise économique. Traditionnellement, la révolution bolivarienne lancée par Hugo Chavez, et ses programmes sociaux destinés aux plus pauvres, trouve ses plus fidèles soutiens parmi les catégories populaires. Mais asphyxiés par la crise et les pénuries, sept Vénézuéliens sur dix souhaitent à présent le départ de Nicolas Maduro, l'héritier politique de Chavez.
«Ce n’est plus une vie»
«Le Venezuela doit changer, ce n'est plus une vie, ces gens (du gouvernement) doivent partir. Et les quartiers (populaires) sont en train de rejoindre l'opposition. Le chavisme est en train de disparaître», estime Paula Navas, qui travaille pour la mairie de district, détenue par l'opposition, et fait des ménages.
Ici, dans cette zone pauvre des hauteurs de Caracas appelée «5 juillet», où elle vit depuis 15 ans, cette femme assure être l'amie de tous, chavistes ou non. En marchant, elle pointe du doigt autour d'elle, le regard malicieux: «Ceux-là sont avec l'opposition», «eux aussi». Et après avoir croisé une femme arborant une casquette aux couleurs du chavisme, elle lance: «Celle-là aussi est avec nous».
Elle s'arrête devant une maison, d'où sort Leinny Garcia, 32 ans, avec un drapeau jaune, bleu et rouge du Venezuela. En bas de l'avenue les attendent cinq autres personnes. «On est un groupe important. (Mais) on descend par petits groupes car on a été menacés. D'autres vont (à la manifestation) des chavistes (car ils y sont) obligés», explique-t-elle.
Le jour de la veillée mortuaire de sa fille Anhely, l'odeur des gaz lacrymogènes a envahi l'entreprise de pompes funèbres: une manifestation de l'opposition était dispersée non loin de là par les forces de l'ordre. Anhely est décédée un dimanche, après une semaine à l'hôpital où elle avait été admise à cause de vomissements et de diarrhées. On lui a injecté de la pénicilline, seul médicament disponible, mais auquel elle était allergique.
«J'avais dit à la doctoresse qu'elle était diabétique, elle n'a pas regardé son dossier, ni rien demandé. Le chef des médecins lui a dit en arrivant ‘‘tu l'as tuée’’. Et moi aussi, par la même occasion», se souvient-elle.
Une bouteille d'eau à la main, Paula prend le bus vers un des points de départ de la manifestation d'opposants. S'y trouvent une jeune fille avec le drapeau vénézuélien peint sur les joues, signe de ralliement de l'opposition, et un homme à la casquette tricolore.
Un fois arrivée, elle salue d'autres habitants de son quartier.
«Je reste là jusqu'à la fin, avec ou sans gaz lacrymogènes. Je vais marcher pour mes filles, pour mon Anhely», lance-t-elle avant de se fondre dans la foule.
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