Trois ans après le séisme, les investisseurs restent frileux en Haïti
En Haïti, plus de 70% de la population active est au chômage et la majorité des habitants vit avec moins d'un dollar par jour. Dans un climat économique désastreux, le Conseil consultatif présidentiel pour le développement économique et l'investissement (CCPDEI) a fait les comptes. «Haïti a besoin de 20 milliards de dollars d'investissements directs pendant cinq à dix ans pour devenir un pays émergent», a estimé l'industriel haïtien Grégory Mevs, qui codirige l’institution avec l'ancien président américain Bill Clinton.
«Nous avons besoin de 3 milliards de dollars d’investissement dans le secteur de l’énergie et de près de 4 milliards dans le secteur portuaire», a précisé Stan Wojewodski, le conseiller spécial de Grégory Mevs. D’autre part, le CCPDEI devrait signer prochainement avec la «Deutsche Bank» et le fonds Yunus, un accord pour un fonds de 1 million de dollars en faveur des PME haïtiennes.
«L'opinion internationale sceptique»
Durant ces trois dernières années, les investissements directs étrangers (IDE) ont progressé de 20%, affirmait récemment le directeur général du Centre pour la facilitation des investissements (CFI) Me Georges Andy René. Même à ce niveau, les IDE restent largement insuffisants pour donner une nouvelle impulsion à l’économie haïtienne.
Selon le CFI, seuls 200 millions de dollars ont été investis dans le pays au cours de l’année 2012. Soit une hausse de 180% par rapport à l’année précédente, note M. Mevs qui estime que «le pays bouge, mais l'opinion internationale reste sceptique».
L’île souffre d'une mauvaise image à l'extérieur en raison de son instabilité politique chronique depuis trente ans, son niveau de violence, d'insécurité et son extrême pauvreté. «Avec un taux de criminalité de 8 pour 100.000 habitants, nous ne sommes pas le pays le plus violent de la Caraïbe (...) et notre démocratie est en place», a relativisé l'industriel haïtien.
Tourisme et potentiel minier
Dans ce contexte, le CCPDEI encourage les investisseurs à prospecter le potentiel minier - or, cuivre et argent - et cherche des partenaires dans le tourisme, autre secteur sur lequel Haïti place son espoir. Sa réunion annuelle à New York, en marge de la 68e session l’Assemblée générale de l’ONU, devait être l'occasion de mettre en avant les progrès en cours dans un Haïti «ouvert aux affaires», selon le credo gouvernemental.
L'Etat le plus pauvre du continent américain, qui avait fondé toute sa stratégie sur le capital sympathie pour attirer les investisseurs étrangers après le séisme de 2010, a un grand besoin de ressources financières. Le Premier ministre Laurent Salvador Lamothe a rappelé, le 10 septembre 2013, qu'il y avait encore en Haïti «251 000» personnes à loger à la suite du séisme de janvier 2010. «Avoir zéro personne sous la tente d'ici deux ans, c'est notre objectif», ajoutait-il, tout en expliquant qu'il fallait passer de l'aide d'urgence «à l'aide au développement».
L'aide d'urgence «n'a malheureusement pas conduit à renforcer les capacités des Haïtiens eux-mêmes à prendre en main la reconstruction du pays», a déploré pour sa part dans un rapport la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH).
L'appui financier de l'UE
De son côté, l'Union européenne a fait savoir qu'elle envisageait de fournir à Haïti un appui budgétaire de 112 millions d'euros pour les deux prochaines années dans le cadre d'une aide globale de 532 millions promise pour la période 2014-2020. «Nous comptons de plus en plus nous orienter vers l'appui budgétaire à Haïti. Cette forme de coopération implique un transfert d'argent directement au budget de l'Etat pour que cet argent ne se perde pas dans des étapes intermédiaires et qu'il puisse être géré par le gouvernement lui-même», a indiqué l'ambassadeur de l'UE en Haïti, Javier Nino Perez, insistant toutefois sur l'exigence de la transparence.
Selon le représentant de l'UE, 532 millions d'euros seront ainsi accordés à Haïti à côté de l'aide à la sécurité alimentaire et l'aide humanitaire - dont le montant mobilisé par l'UE depuis le séisme s'élève à 213 millions d'euros.
M. Perez a fait valoir que 95% de l'aide de l'UE à Haïti étaient actuellement canalisés via le gouvernement, des institutions locales et la société civile haïtienne. «C'est un trait particulier de notre coopération qui préfère qu'elle soit définie, mise en place et évaluée par le gouvernement», a-t-il insisté.
Vers une nouvelle crise politique ?
Outre la crise économique, le pays semble s'acheminer vers une crise politique en raison notamment de difficultés à organiser des élections. Le président haïtien Michel Martelly a invité l’Organisation des Etats américains (OEA) à envoyer une mission sur place pour «évaluer la faisabilité des élections».
Si l'OEA «s'abstient de se prononcer sur une date précise», selon son ambassadeur en Haïti, Frédéric Bolduc, elle encourage les acteurs politiques à «travailler ensemble pour maintenir la stabilité d'Haïti et mettre le cap sur le développement économique et le progrès».
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