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Stress post-traumatique : après la guerre, les soldats meurent encore

Les troubles de stress post-traumatique sont pointés comme responsables du suicide de 22 vétérans chaque jour aux Etats-Unis depuis le début de l’année.

Article rédigé par franceinfo - Louis Boy
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le 27 mars 2014, 1 892 drapeaux américains ont été plantés sur le National Mall à Washington, en hommage aux 1 892 vétérans qui se sont donné la mort depuis le 1er janvier. (JEWEL SAMAD / AFP)

Le soldat qui a ouvert le feu mercredi 2 avril dans la base militaire américaine de Fort Hood, au Texas, tuant trois personnes avant de se suicider, "suivait une évaluation pour déterminer s’il était atteint de troubles de stress post-traumatique". Pour expliquer sa présumée instabilité sur le plan psychiatrique, ce sont les quatre mois passés par Ivan Lopez en Irak en 2011, et leurs possibles séquelles, qui sont mis en avant par les médias américains. Il faut dire qu’aux Etats-Unis, les post-traumatic stress disorders sont plus que jamais un problème de santé publique.

Le taux de suicide chez les vétérans américains est de 3 sur 10 000, contre 1,9 pour l'ensemble de la population. Depuis le début de l’année 2014, 22 vétérans en moyenne se sont donné la mort chaque jour, rappelait récemment le New York Times (en anglais). C’est plus que le nombre de soldats américains tués en Afghanistan sur la même période, à en croire le décompte du site iCasualties (en anglais). Pourquoi les états de stress post-traumatique (ESPT, le terme le plus utilisé en France) touchent-ils autant les soldats ?

La guerre, terrain propice aux expériences choquantes

"Risquer une blessure ou la mort. Voir d’autres personnes être blessées ou tuées. Devoir blesser ou tuer. Etre constamment en alerte." Voilà comment le Centre national sur les ESPT, une émanation du département des Anciens combattants des Etats-Unis, décrit le quotidien des troupes en Irak ou en Afghanistan. Autant de situations qui favorisent le développement d'ESPT et d’autres troubles psychiatriques. Ils naissent, de manière générale, de la confrontation à un évènement traumatisant, "durant lequel vous pensez que votre vie ou celle de quelqu’un d’autre est en danger (...), durant lequel vous avez peur ou le sentiment de n’avoir aucun contrôle sur ce qui se passe autour de vous", explique le site du Centre (en anglais). Ils touchent aussi bien des victimes d'abus sexuels que des rescapés d'accidents de la route et, bien sûr, des soldats.

Contacté par francetv info, Antony, un Français de 30 ans, dont huit dans l'armée, raconte comment tout a basculé pour lui un jour de 2011 en Afghanistan : "Sur le terrain, on se crée une carapace : après un combat, on fume une cigarette, on boit un café, on parle d’autre chose et on va se coucher. On a l’impression d’être invincible. Quand j’ai été touché [par un tir de mortier], je me suis rendu compte que je n’étais pas si invincible." Quarante soldats français ont été victimes d'un "effondrement psychique" après avoir échappé, en août 2008, à une embuscade en Afghanistan qui avait fait dix morts dans leurs rangs, rapporte Le Figaro.

Revivre constamment son traumatisme

Pour Antony, c'est au retour en France que les ESPT commencent à se manifester. "Je faisais des cauchemars. Dans ma tête, je n'étais pas rentré." Revivre constamment les évènements à l'origine de leur traumatisme, c'est le lot des victimes de stress post-traumatique. "Un bruit de chaudière" ou "le sifflement d'une cocotte-minute" suffisent à les faire "penser à des choses", raconte Antony, qui se sent perpétuellement à l'affût d'un danger qui n'est plus là. "L'autre jour, un avion est passé en rase-motte au-dessus de mon jardin. Je me suis jeté à terre. Mes parents n'ont pas compris, ils ne m'avaient jamais vu comme ça."

Ces symptômes pèsent sur la vie quotidienne et la famille des soldats victimes de stress post-traumatique. Les mauvais jours, ils évitent de sortir de chez eux, pour ne pas s'exposer à des situations qu'ils vivraient comme une menace. Trouver un emploi qui nécessite de travailler en équipe ou sous l'autorité d'un chef est impensable pour Antony, qui est toujours membre de l'armée de terre. 

"J'ai la chance d'avoir une femme forte qui a su me soutenir, raconte le jeune homme, qui est en contact avec de nombreux soldats souffrant des mêmes troubles que lui. Il y a beaucoup de conjoints qui s'en vont. On n'est plus la même personne." Quant à ses jeunes enfants, ils ne comprennent pas toujours pourquoi leur père peut "ne pas sortir pendant trois-quatre jours et reste dans le canapé". Aujourd'hui, eux aussi sont suivis par un pédopsychiatre.

Suicides et fusillades

Les séquelles psychologiques des soldats les poussent parfois au pire : aux Etats-Unis, entre le 1er janvier et le 27 mars 2014, 1 892 vétérans se sont donné la mort, soit 22 par jour en moyenne. En France, les statistiques n'existent pas, mais pour Antony, "bien sûr qu'une solution c'est l'autodestruction, c'est le suicide. (...) On a tous la même expérience."

Aux Etats-Unis, les ESPT sont soupçonnés d'être l'explication de plusieurs fusillades commises dans des bases militaires ces dernières années. Ivan Lopez n'avait pas été formellement diagnostiqué mais était en cours d'évaluation, et souffrait de divers problèmes mentaux. Il avait raconté à un proche que "des bombes étaient tombées près de lui" durant sa mission en Irak. En septembre 2013, une autre fusillade avait fait treize morts dans une base de la Navy à Washington. Aaron Alexis, le tireur, souffrait d'ESPT après avoir aidé les secours lors des attentats du 11-Septembre.

Un millier de militaires touchés en France

La question des ESPT est beaucoup moins connue en France qu’aux Etats-Unis. Selon Europe 1, le service de santé des armées évalue à un millier le nombre de soldats français victimes de ces troubles. Pourtant, des mesures ont été mises en place pour ménager la santé psychologique des militaires revenant d’Afghanistan. Un séjour de quelques jours à Chypre a été instauré comme "sas de décompression" avant leur retour. Une chaîne de soutien psychologique, détaillée sur le site de l’armée de terre, a été mise en place : des référents de section sont chargés de repérer les signes de troubles chez les soldats, des officiers préparent leur retour en France et une cellule d’intervention et de soutien psychologique intervient ponctuellement après les évènements traumatisants.

Mais selon Antony, on ne retrouve pas ces personnels formés dans tous les régiments. Contacté, le service de communication de l'armée de terre n'a pas donné suite. "Dans mon régiment, j'étais le deuxième ou troisième blessé en Afghanistan, donc ils ne savent pas comment faire", comment assurer le suivi psychologique des blessés. S'il ne critique pas "l'institution", il pointe des mentalités qui n'ont pas toujours changé et qui n'encouragent pas les victimes à parler et demander un traitement. "C’est un milieu d’hommes virils, où il ne faut pas montrer ses faiblesses. (...) Il y a une reconnaissance qui se met en place, mais tout le monde n’a pas franchi le pas."

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