Pérou: condamnation historique d'Artémio, un des chefs du Sentier lumineux
Durant les six mois de son procès, le «camarade Artemio» a nié être un terroriste et s’est défini comme «révolutionnaire» du «combat héroïque de la guerre populaire». Ce qui ne l'a pas empêché d'être condamné à une peine de prison à perpétuité pour «délits contre l'Etat, trafics de drogue et terrorisme aggravé» par un tribunal péruvien. Ce dernier lui a également infligé une amende de quelque 182 millions de dollars, pour «réparations civiles».
«Rien à me faire pardonner»
A la tête du comité régional du Haut-Huallaga (centre) pendant près de vingt ans, Artemio a été jugé responsable de la mort de 30 personnes. «Je n'ai rien à me faire pardonner. Je ne suis pas un terroriste ; je suis un politique qui lutte pour ses convictions», a déclaré l'accusé, 51 ans, célibataire et sans enfant.
Dernier dirigeant en armes du Sentier lumineux à se réclamer d'Abimael Guzman, fondateur et chef historique du mouvement, Artémio est incarcéré depuis son arrestation, il y a seize mois, à la prison navale du port du Callao, à Lima. C'est dans cette prison de haute sécurité qu' Abimael Guzman, 78 ans, arrêté en 1992, purge une peine à perpétuité.
Parmi les nombreuses guérillas qui se sont multipliées dans la région durant la Guerre froide, le Sentier lumineux, d'inspiration maoïste, s'est distingué comme le mouvement révolutionnaire le plus féroce et le plus sanguinaire d'Amérique Latine. Son conflit avec l'Etat a fait près de 70.000 morts et disparus entre 1980 et 2000, selon un rapport de la Commission de la vérité et de la réconciliation (CVR) du Pérou en 2003.
Armée grâce à l’argent provenant de «l’impôt» prélevé sur le trafic de drogue à la frontière colombienne, la guérilla était connue pour son refus du moindre compromis avec le gouvernement et avait comme projet de conquérir le pouvoir à partir des campagnes. Ses cibles: les représentants de l’Etat tout comme les paysans qui refusaient de la soutenir.
La terreur rejailli
Ces décennies de terreur qui, officiellement, ont pris fin en 2000, ont refait surface au début de l'année 2012, notamment avec l'apparition sur la scène médiatique du Mouvement pour l'amnistie et les droits fondamentaux (Movadef), considéré comme le nouveau bras politique du Sentier lumineux. Controversé, ce mouvement n'a toutefois pas été autorisé à s'inscrire comme un parti politique, le bureau des élections ayant estimé qu'en se réclamant d'Abimael Guzman, il allait «à l'encontre de la démocratie».
La capture d'Artémio, le 12 février 2012, était apparue comme une importante victoire, essentiellement symbolique, du gouvernement du président Ollanta Humalla, lui-même un ancien lieutenant-colonel de l’armée qui a lutté contre les guérillas dans les années 1980.
Violences au Sud
Mais depuis son arrestation, la faction la plus forte et la plus agressive du groupe maoïste est celle des frères Quispe Palomino. Elle sévit dans la Vallée des fleuves Apurimac-Ene et Mantaro, région connue sous le nom de Vraem (sud-est), autre fief de la production de coca, base de la cocaïne.
Avec l'essor du narcotrafic péruvien, ce groupe maoïste parvient à financer lui-même sa guérilla et dispose sur le terrain d’un véritable arsenal d’armes puissantes. Cette région boisée, difficile d'accès et que les narcotraficants connaissent comme leur poche, a conduit le gouvernement péruvien, début 2013, à faire l'acquisition de nouveaux hélicoptères de combat.
Contrairement au Sentier d'Abimael Guzman, qui n'hésitait pas à tuer des paysans, le clan Quispe Palomino assure vouloir protéger les habitants des forces armées et tente de se rapprocher de la population. La chute d'Artémio devrait pacifier la région du Haut-Huallaga mais pas le sud du pays, où les attaques de la guérilla sentiériste contre l'armée et la police se multiplient.
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