Océan: quand les éléphants de mer tweetent au service de la science
Le 8 juin 2015, on célèbre la journée mondiale de l’océan. L’occasion d’un zoom sur le travail accompli par les phoques dans les études sur la vitesse du réchauffement des mers et sur la fonte des calottes glaciaires de l’Antarctique et du Groenland.
A l’origine de ce projet, un consortium international regroupant dix pays (Afrique du Sud, Allemagne, Australie, Brésil, Canada, Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Norvège) qui, depuis le 1er juin 2015, propose un portail internet baptisé MEOP (Marine Mammals Exploring the Oceans Pole-to-Pole traduit par «Les mammifères marins explorent les océans d'un pôle à l'autre» ) sur lequel toutes les données transmises par les phoques et les éléphants de mer, contrôlées et validées, sont facilement accessibles et utilisables par les scientifiques du monde entier.
Depuis 2004, 330.000 profils environnementaux ont été fournis par les animaux. Certaines des espèces étudiées – notamment les éléphants de mer – se déplacent sur des milliers de kilomètres tout en plongeant continuellement et profondément, jusqu’à 2000 mètres. Chaque plongée d’un mammifère équipé met à disposition des données inégalables par les moyens classiques (navires océanographiques, bouées Argos, satellites).
«Il s'agit de données océanographiques uniques qu’aucune autre source ne peut nous fournir, explique à Géopolis, Christophe Guinet, directeur de recherche au CNRS spécialisé dans l’écologie des mammifères marins, en particulier en automne et en hiver en zone de banquise inaccessible». Les satellites, par exemple, mesurent l’étendue de la glace mais pas son épaisseur. Le phoque, lui, transmet en temps réel des renseignements sur le processus de formation de la banquise, le taux de salinité et, bien sûr, la température.
«Les informations qui nous sont envoyées nous donnent des détails sur l’environnement immédiat du phoque. C’est comme s’ils tweetaient !», se réjouit Lars Boehme, un enseignant de l’université écossaise de St Andrews où ont été développés les capteurs installés sur le front des mammifères marins.
Les instruments fonctionnent grâce à une batterie progammée pour durer des mois. Chaque fois que l’animal remonte en surface, sa balise envoie par satellite les données récoltées in situ. Un tableau complet en 28 points qui, outre le taux de salinité et la température, présente aussi, entre autres, le niveau d’oxygène contenu dans l’eau ainsi que sa teneur en chlorophylle. Des données qui permettent d’établir les niveaux de dioxyde de carbone contenu dans les océans et d’étudier le phénomène de leur acidification.
Les capteurs pèsent environ 500 g et sont posés sur la tête des animaux, sans opération chirurgicale. A la mue des mammifères, chaque mois de janvier, ils tombent d’eux-mêmes. Aux îles Kerguelen, archipel du sud de l'océan Indien, où œuvre l’équipe française emmenée par Christophe Guinet, c’est le moment de récupérer les balises qui contiennent des données supplémentaires riches d’enseignement. Certains des éléphants de mer mâles auront parcouru 4.000 km aller-retour jusqu’à l’Antarctique permettant « une vision globale » de la situation, note le chercheur.
«Ils sont chez eux dans l'Antarctique. Ils profitent des failles dans la glace pour se déplacer partout. Aucun recoin ne leur échappe. Avec leur capteur, ils nous informent aussi sur la quantité de nourriture disponible. On sait aujourd'hui avec certitude qu'il y en a moins, ce qui oblige les phoques à plonger plus longtemps», complète Christophe Guinet.
L’océan Austral est le principal réservoir de froid de notre planète. Suivre de près son évolution, sachant que la température de l’océan mondial a grimpé d’un demi degré en vingt ans, est un atout de taille dans l’inévitable processus d’adaptation au réchauffement qui nous attend.
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