Cet article date de plus de huit ans.

Mexique : Casa Xochiquetzal, la maison de retraite des prostituées

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Que deviennent les travailleuses du sexe quand elles vieillissent ? La photographe française Bénédicte Desrus y répond. Installée au Mexique, elle s’est rendue régulièrement depuis 2008 à la casa Xochiquetzal, un refuge pour ces femmes, situé à Mexico. Aujourd’hui, elle leur rend visite «une fois par mois, car des liens se sont créés avec toute l'équipe» de ce lieu particulier.

Avec son reportage Les femmes de la casa Xochiquetzal, Bénédicte Desrus est l’une des deux lauréates (avec Corinne Rozotte) de la 6e édition du concours initié par le site internet Sophot.com. Ce site dédié à la photographie sociale et environnementale a été créé par l’association Pour que l’Esprit Vive. Une exposition se tiendra à la galerie FAIT & CAUSE, du 18 mai au 9 juillet 2016.
 
Les travaux de Bénédicte Desrus publiés dans la presse internationale (New York Times, Le Monde…) s’orientent principalement vers des personnes rejetées par la société (les homosexuels en Ouganda, les albinos en Tanzanie, les obèses…). Elle espère que son travail sur Xochiquetzal changera le regard posé sur ces femmes, que discrimination et préjugés enferment dans la solitude et souvent le désespoir. Bénédicte Desrus souhaiterait que d’autres endroits à travers le monde s’inspirent de ce lieu unique et permettre ainsi aux personnes marginalisées de retrouver une dignité au sein de la communauté humaine.   
 
En 2014, est sorti de ce travail un livre Las Amorosas Más Bravas (en espagnol et en anglais, texte de Celia Gómez Ramos), dont une partie des bénéfices est reversée à la casa Xochiquetzal. Les auteures espèrent trouver une aide financière pour pouvoir le traduire en français. Comme l’a expliqué Bénédicte Desrus à Géopolis, avoir fait ce livre «est un engagement de longue durée. Nous avons fait 15 présentations à Mexico. La dernière date du mois d’avril. Les résidentes de la casa Xochiquetzal sont présentes à chaque présentation ! Elles se sentent protagonistes du livre.»

située dans un ancien immeuble colonial prêté gratuitement par la municipalité, est unique en son genre en Amérique latine, une région très marquée par la religion et les traditions machistes. Créée en 2006 par d’anciennes prostituées, elle accueille plus d’une vingtaine de femmes, de 55 à 85 ans.

 (Bénédicte Desrus )
a été blessée par balle à la tête à l’âge de 14 ans après avoir été violée. Depuis, elle est paralysée de la jambe et du bras gauche. «Une des luttes de la casa Xochiquetzal est de trouver des fonds pour maintenir son existence et financer les besoins quotidiens (médicaments, factures d'eau, d’électricité, frais de transport pour les accompagner chez le médecin ou à l'hôpital). C’est souvent difficile de joindre les deux bouts», nous précise Bénédicte Desrus. (Bénédicte Desrus )
a grandi à Michoacán. Elle a abandonné le foyer familial à l’âge de neuf ans, un an après que son père a commencé à «l’utiliser». Elle a rencontré une vendeuse de rue à Mexico qui l’a hébergée et lui a donné une éducation. A 17 ans, María Isabel avait presque terminé ses études d’éducatrice quand sa bienfaitrice est morte. Elle a alors commencé à se prostituer. Aujourd’hui, elle lit, écrit des poèmes, brode, et fabrique des boucles d’oreille et des bracelets pour gagner un peu d’argent.  (Bénédicte Desrus )
se prépare avant de sortir travailler dans les rues de La Merced. Elle porte une perruque et un soutien-gorge rembourré. Elle est venue habiter dans la casa Xochiquetzal dès son ouverture. C’est une femme très gaie : elle a la conversation et la chanson faciles. Cela fait 22 ans qu’elle est atteinte de schizophrénie, mais bien qu’elle entende des voix, elle travaille pour ne pas perdre contact avec la réalité. Pour gagner un peu d’argent, elle collecte également des bouteilles en plastique pour le recyclage et aide son compagnon plus jeune à vendre des vêtements. (Bénédicte Desrus )
savoure sa cigarette quotidienne. Un jour, son fils l’a abandonnée dans le métro parce que sa femme refusait de prendre soin d’elle. Elle ne voulait pas vivre sous le même toit qu’une travailleuse sexuelle. Elle l'a sommé de choisir entre elle et sa mère. (Bénédicte Desrus )
est originaire de l’Etat de Veracruz. Lorsque son mari est tombé malade, elle a commencé à se prostituer pour faire face aux dépenses de soins et de médicaments. Elle s’est de nouveau retrouvée dans l’obligation de vendre son corps lorsque son fils l’a chassée à la demande de sa belle-fille. Démunie, après avoir connu maintes épreuves dans la rue, elle a frappé à la porte de la casa Xochiquetzal. A son arrivée, elle a reçu une aide psychiatrique et a trouvé une vie en communauté. Aujourd’hui elle se sent bien. (Bénédicte Desrus )
est originaire d’Oaxaca. Elle est arrivée à Mexico très jeune pour y travailler. Elle est maintenant connue et respectée par le voisinage de la casa Xochiquetzal. Elle souffre de plusieurs maladies dont le syndrome de Down. De toutes les femmes de la casa Xochiquetzal, Canela est la seule à ne pas avoir eu d’enfant. (Bénédicte Desrus )
Un bon nombre de femmes se connaissaient depuis des années, depuis la rue, ou les places de San Sebastián ou San Fernando, mais à l’époque elles se disputaient les clients. Vivre sous le même toit n’a pas été facile, mais peu à peu, une coexistence s’est instaurée.  (Bénédicte Desrus )
A chacune des pensionnaires est attribué un rôle défini, soit pour nettoyer la salle de bain ou encore faire la cuisine. Toutes individuellement doivent faire quelque chose pour les autres. Elles ont ainsi le sentiment de faire partie d’un groupe.  (Bénédicte Desrus )
nettoie sa chambre. Les femmes sont constamment occupées aux tâches ménagères ou aux différents ateliers qui leur sont proposés.  (Bénédicte Desrus )
Les femmes peuvent participer à des ateliers artistiques ou à des groupes de réflexion pour apprendre à faire valoir leurs droits. Ces activités leur permettent de reprendre confiance en elles et ainsi de mieux affronter les traumatismes du passé. (Bénédicte Desrus )
se souvient de son enfance avec émotion. Elle a été abusée par un des amis de son frère quand elle avait 9 ans et a également été agressé par un prêtre. Peu après, elle a décidé de trouver un emploi comme serveuse dans différents quartiers chauds. Malgré son passage dans la rue, elle reste une femme extravertie et joyeuse.  (Bénédicte Desrus )
est une femme solitaire qui passe beaucoup de son temps dans sa chambre. Comme la plupart d’entre elles, elle vit en marge de la société. Ces femmes, qui restent souvent sans contact avec leur famille, sont très fragilisées par l'âge et de nombreuses pathologies, tentent néanmoins de retrouver leur dignité. (Bénédicte Desrus )
est la plus ancienne résidente. Lorsqu’arrive le temps du troisième âge, beaucoup d’anciennes prostituées ne savent pas où finir leur vie. «Cette maison de retraite leur donne paix et tranquillité car elles savent qu'elles ne mourront pas dans la rue, seules ou abandonnées», nous explique la photographe. (Bénédicte Desrus )
se réunissent souvent pour discuter. Ces groupes de parole leur permettent de se confier, d’aborder les aspects les plus traumatisants de leur vie. La casa Xochiquetzal a accueilli plus de 300 femmes. En 2015, trois des résidentes sont décédées. (Bénédicte Desrus )

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.