Cet article date de plus de huit ans.
Le Venezuela, au bord du gouffre, en proie à un bras de fer politique
Alors que les pénuries de produits de première nécessité s'installent durablement (eau, nourriture, médicaments) et qu'un plan de rationnement de l'électricité vient d'être annoncé dans les dix Etats les plus peuplés du pays pour faire face à une grave crise énergétique, l'opposition devenue majoritaire au Parlement en décembre 2015, veut la peau du président Maduro, qui résiste.
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Les nuages noirs s'amoncellent dans le ciel des Vénézuéliens. Chaque jour apporte son lot de nouvelles privations. Dernière en date: le rationnement de l'électricité programmé quatre heures par jour pendant quarante jours dans les dix Etats les plus peuplés du pays (sur 23), dont la capitale Caracas.
Raison invoquée par les autorités? La forte sécheresse qui touche le pays sud-américain en raison du phénomène météorologique El Niño, particulièrement virulent cette année. Résultat: le niveau d'eau anormalement bas du barrage de la centrale hydroélectrique de Guri, qui fournit 70% de l'électricité du Venezuela. Les opposants évoquent, eux, un manque criant d'investissements de la part du pouvoir.
Plus de sèche-cheveux ni de fer à repasser
Le ministre de l’Electricité Luis Motta a demandé aux Vénézuéliens via son compteTwitter, qu'il utilise abondamment, de se mettre au travail et de prouver leur patriotisme. Economie oblige, ordre a donc été donné, en haut lieu, aux femmes de ne plus utiliser de sèche-cheveux et à tous (!) de ne plus repasser le linge.
Camaradas! Esta imagen les puede dar una idea de cómo ha descendido el nivel del Guri en 30 días... NO ES JUEGO! pic.twitter.com/wXPLB9U3EC
— LUIS MOTTA DOMINGUEZ (@LMOTTAD) April 22, 2016
«Camarades! Sur ces images vous pouvez vous faire une idée du niveau du barrage de Guri sur une durée de 30 jours. Ce n'est pas un jeu!», peut-on lire sur le tweet du ministre.
Le gouvernement socialiste de Nicolas Maduro officialise ainsi les pannes de courant avec lesquelles la population doit déjà composer à cause d’une crise énergétique qui ne cesse de s’aggraver depuis des mois. Le président lui-même en a fait les frais alors qu'il prononçait un discours en direct à la télévision.
La saison des pluies faisant son retour vers le 15 mai, la situation devrait s'arranger. En attendant, ce rationnement s'ajoute à d'autres initiatives prises récemment par le Nicolas Maduro pour économiser l'énergie, comme le changement de fuseau horaire de 30 minutes, la création de nouveaux jours fériés ou la réduction des journées de travail dans les ministères.
Le pétrole, principale ressource du pays, ne fait plus recette
Le Venezuela, qui dispose des plus larges réserves pétrolières de la planète, n'y trouve plus assez de ressources financières sous l'effet de la chute des cours du brut, qui apporte 96% de ses devises. Avec un baril à moins de 50 dollars, l'extraction est plus coûteuse que la rente.
Cette crise économique se traduit par une inflation vertigineuse (180% en 2015) et un délabrement préoccupant du niveau de vie des Vénézuéliens, certains évoquant même le spectre d'une «crise humanitaire» dans un pays en paix. Qu'elles semblent lointaines les années 2000, l'époque du pétrole fort et la sensation de la toute-puissance.
Aujourd'hui, Caracas ne peut plus payer l'importation de produits de première nécessité. Ainsi, on ne trouve plus un grand nombre de denrées alimentaires, plus de médicaments, plus de couches pour bébés ni de préservatifs. Les files d'attente se multiplient devant les supermarchés et les pharmacies.
La production de bière va bientôt s'arrêter, faute de matière première
Bientôt, on ne pourra plus non plus se consoler de son sort avec une bonne bière locale.
Polar, le plus important brasseur du Venezuela, a annoncé le 21 avril 2016 qu'il allait cesser de produire de la bière faute... d'orge. «Sans matière première, nous ne pouvons pas produire», s'est désolée l'entreprise dans un communiqué adressé à ses clients, expliquant avoir «de l'orge malté pour fabriquer (de la bière) jusqu'au 29 avril» seulement.
«Nous avons alerté le pays sur la grave situation à laquelle nous sommes confrontés et nous avons épuisé toutes les possibilités d'endettement avec nos fournisseurs internationaux, toujours dans l'attente d'une solution par le gouvernement», a indiqué Polar.
Le groupe, créé il y a 75 ans, fournit la majorité des produits consommés par les Vénézuéliens, comme la farine de maïs, les boissons gazeuses, les fromages, les bonbons ou encore les céréales.
L'opposition, devenue majoritaire au Parlement, piaffe d'impatience
Pour assombrir encore le tableau, la détérioration économique se double d'une grave crise institutionnelle qui oppose un Parlement contrôlé par la droite depuis décembre 2015, et décidé à déclencher le référendum révocatoire contre le président Maduro, à un gouvernement chaviste résolu, lui, à poursuivre la révolution bolivarienne.
Le processus, typiquement vénézuélien, consiste à révoquer un président à mi-mandat, si son bilan n’est pas jugé à la hauteur des attentes. A l’issue d’une consultation mêlant les électeurs – il faut réunir quatre millions de signatures – et le Parlement, le président peut donc être remercié.
Mais les spécialistes du droit mettent en garde contre tous les obstacles juridiques que le gouvernement socialiste mettra sur le chemin de l'opposition.
Ces derniers mois, le Tribunal suprême de justice (TSJ ou Cour suprême), réputé proche de l'exécutif, a notamment retoqué la loi emblématique de la coalition de la MUD (Table pour l'unité démocratique), qui voulait amnistier les prisonniers politiques.
Il a en revanche validé le décret instituant l'état d'urgence économique, qui confère des pouvoirs étendus à M.Maduro.
Pour l'expert en droit constitutionnel José Ignacio Hernandez, «s'il n'y a pas de solution pacifique et institutionnelle, nous allons avoir un conflit politique, ainsi qu'un conflit social, plaçant le pays dans un scénario assez compliqué».
Ces derniers mois, le Tribunal suprême de justice (TSJ ou Cour suprême), réputé proche de l'exécutif, a notamment retoqué la loi emblématique de la coalition de la MUD (Table pour l'unité démocratique), qui voulait amnistier les prisonniers politiques.
Il a en revanche validé le décret instituant l'état d'urgence économique, qui confère des pouvoirs étendus à M.Maduro.
Pour l'expert en droit constitutionnel José Ignacio Hernandez, «s'il n'y a pas de solution pacifique et institutionnelle, nous allons avoir un conflit politique, ainsi qu'un conflit social, plaçant le pays dans un scénario assez compliqué».
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