Le coming out d'un député, une première dans un Pérou conservateur
A la surprise générale et pour la première fois dans l'histoire politique du Pérou, un homme politique a annoncé publiquement qu'il était gay. Carlos Bruce, 57 ans, élu du Congrès péruvien depuis 2011, a choisi les colonnes du quotidien conservateur El Comercio pour faire son coming out: «Oui, je suis gay et fier d'appartenir à un groupe de personnes qui sont si précieuses pour le Pérou.»
Deux fois ministre sous la présidence d'Alejandro Toledo (2001-2006), l'ancien ministre estime qu’«il a servi son pays le mieux possible. Même mes adversaires reconnaissent que ma gestion a été efficace.» «C'est un problème d'être gay dans une société aussi conservatrice que celle du Pérou. La sécurité de l'Etat a dû doubler le nombre de ses agents car elle considère que je suis en danger», commente-t-il dans l'interview.
Le Pérou est l’un des trois pays d’Amérique Latine, avec le Paraguay et la Bolivie, à ne pas avoir encore légalisé l’union civile, non matrimoniale, pour les couples homosexuels. L'union civile est accusée par le chef de fil de l'Eglise catholique péruvienne, le cardinal Juan Luis Cipriani, issu de l'Opus Dei, de «détruire l'institution du mariage». Et les Péruviens, fervents catholiques, sont divisés sur le sujet. Selon un sondage Ipsos publié en avril 2014, 61% de Péruviens se prononcent contre l'union civile des personnes de même sexe, même si 50% se disent favorables à une égalité des droits pour les retraites et la santé.
Si la communauté gay et lesbienne péruvienne est sortie de l'ombre ces dernières années pour défendre ses droits, l'homosexualité reste taboue. Entre janvier 2013 et mars 2014, au moins 17 homosexuels ont été tués au Pérou, sans que ces homicides aient été sanctionnés par la justice, selon le dernier rapport de l'association de défense des transsexuels, lesbiennes, gays et bisexuels (Red Peruana TLGB).
L'association précise qu'à la suite de nombreuses protestations, «seulement un de ces homicides fait actuellement l'objet d'un véritable processus judiciaire contre le meurtrier présumé». Dans les autres cas, «il n'y a même pas d'enquêtes en cours pour retrouver les meurtriers», indique encore l'association, qui dénonce «l'inaction de l'Etat péruvien en ce qui concerne le respect du droit à la vie et de l'intégrité personnelle».
Soutenu par ses deux fils Alex et Paul, qui dénoncent «l'intolérance» de leur pays, Carlos Bruce relève qu'au sein de la société péruvienne «beaucoup croient impossible que l'on puisse être bon père ou servir son pays si on est homosexuel». «Mon avenir comme homme politique serait bien plus brillant si je pouvais choisir d'être hétérosexuel», dit-il, ajoutant, non sans humour: «Maintenant, à cause de ce que je dis, je ne serai jamais président de la République.»
Le mariage homosexuel s'était invité dans la campagne présidentielle de 2011, obligeant les candidats à prendre position en faveur de l'union civile, comme l'ancien président centriste, Alejandro Toledo, ou le nationaliste Ollanta Humala, l'actuel président. De nombreux homosexuels avaient alors espéré une avancée dès son élection. Ils attendent toujours.
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