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Guatemala: Jimmy Morales, acteur comique sans expérience, élu président

Pour tourner la page de la corruption qui a mené l'ancien président en prison, les électeurs guatémaltèques n'ont pas craint de confirmer la tendance du premier tour: installer aux commandes de leur pays de 16 millions d'habitants un homme de télévision, novice en politique. Son score écrasant est à la mesure de l'espoir qu'il suscite: 68,6% des voix (résultat sur 96,3% des suffrages exprimés).
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le nouveau président du Guatemala Jimmy Morales (aux côtés de sa femme Hilda Marroquin) arbore cheveux plaqués, lunettes et cravate après son élection, le 25 octobre 2015. Un look destiné à gommer son immaturité politique. (Rodrigo ARANGUA / AFP)

Humoriste, comédien et animateur télé, Jimmy Morales, 46 ans, ne connaît pas grand chose aux arcanes de la politique mais, pour ses partisans, c'est un gage d'honnêteté. Dégoûtés et exaspérés par leurs élus traditionnels, corrompus jusqu'à l'os (sorte de palme sur un continent où la corruption est la pratique la mieux partagée), les Guatémaltèques ont décidé de confier leur sort à une main «innocente».

C'est la confirmation de l'avance surprise de leur candidat au premier tour de l'élection présidentielle, le 6 septembre, qui profitait déjà de la mobilisation historique contre la corruption et contre le vaste réseau de fraude découvert au sein des douanes. Entre mai 2014 et avril 2015, 3,8 millions de dollars auraient été détournés, alors que 53,7% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.

Auparavant, cette ébullition populaire avait précipité la démission du président Otto Pérez Molina, ex-général de 64 ans au pouvoir depuis 2012, puis son placement en détention provisoire. Il est accusé, comme son ancienne vice-présidente Roxana Baldetti, elle aussi incarcérée, d'avoir organisé le réseau de corruption et perçu 800.000 dollars en pots-de-vin.

Jimmy Morales, nouveau venu en politique, soutenu par un parti controversé
Le mot «corruption» figure dans chacune de ses phrases. «Avec ce vote, vous m'avez fait président, j'ai reçu un mandat et ce mandat doit servir à lutter contre la corruption qui nous a rongés», a déclaré M. Morales dans un message télévisé. Le nouvel élu a aussi assuré qu'il ferait appel au Parquet si des affaires de corruption éclataient pendant sa présidence. Tandis que devant un parterre de journalistes réunis au Tribunal suprême électoral (TSE), responsable du décompte des voix, il lançait: «Nous devons tous nous mettre à la hauteur des attentes du Guatemala, car le mandat que nous avons reçu est de combattre la corruption.» Il lui reste à trouver maintenant les moyens d'action pour s'attaquer à l'hydre qui s'est propagée à tous les niveaux de l'Etat.


L'affiche de campagne de Jimmy Morales, soutenu par le FCN Nacion fondé par d'anciens militaires. Son slogan: «Ni corrompu, ni voleur». (D.R.)


Seul bémol dans l'euphorie de la victoire du candidat débutant face à l'ex-Première dame Sandra Torres, 60 ans, social-démocrate: le soutien controversé du Front de convergence nationale (FCN-Nacion), comme l'a rappelé Mme Torres le jour du vote, en l'accusant de «représente(r) la vieille garde de militaires douteux». Certains des militaires ayant fondé FCN-Nacion sont en effet soupçonnés de massacres d'Indiens mayas et de violations des droits de l'Homme durant la guerre civile (1960-1996). Selon l'ONU, le conflit aurait fait 200.000 morts.

Jimmy Morales, métis issu de la classe moyenne, trouve en tout cas auprès du FCN-Nacion et de ses anciens gradés, un soutien de poids pour les idées qu'il défend à titre personnel: non à l'avortement, non au mariage pour tous et oui à la peine de mort pour les délinquants.

Ce n'est que le 14 janvier 2016 que le président Morales prendra ses fonctions pour un mandat de quatre ans. On pourra alors constater si son désir de transparence est bien au rendez-vous lors de la composition du premier gouvernement du Guatemala nouveau. 

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