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Fin de Guerre froide entre les USA et Cuba pour sauver la maison d'Hemingway

Ennemis de toujours, Cubains et Américains se retrouvent autour d'Ernest Hemingway. Les deux pays renouvellent un accord pour la préservation de l'ancienne demeure à La Havane du sulfureux prix Nobel de littérature. En janvier, Cuba avait déjà fait parvenir 2000 écrits inédits à l'université de Boston.
Article rédigé par Valerie Kowal
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Ada Rosa Alfonsa, directrice du musée, devant un buste d'Hemingway dans un bar de la Havane, le 26 juin 2011. (AFP/Adalbarto Roque)

Plus de 50 ans après sa mort, Hemingway devient le trait d'union entre les deux ennemis jurés. Avec un enjeu artistique et historique : préserver la maison du prix Nobel de littérature à La Havane, une maison où il a séjourné pendant 20 ans. Finca Vigia garde encore les traces de son illustre occupant. Le hangar abrite toujours le bateau de l'écrivain. Et c'est entre ces murs et peut-être au gré de ses balades en mer des Caraïbes, que l'inspiration lui est venue, car c'est là qu'il a écrit son plus célèbre roman Le vieil homme et la mer.


La préservation de la maison mais aussi les 22.000 effets personnels et les milliers d'écrits qui s'y trouvent relèvent d'une véritable conservation du patrimoine culturel mondial. Signe de la détente entre Cuba et les USA, en janvier, 2000 écrits ont été remis par Cuba à l'université de Boston. Une collaboration qui suscite des espoirs. «Si les Cubains et les Américains peuvent se réunir de manière constructive pour préserver une maison et tous ses biens, alors il n'y a aucune limite à ce que nous pouvons faire si nous travaillons ensemble», se réjouit Jim McGovern, député du Massachusetts dans le Miami Herald. Une déclaration lors de la visite des membres du Congrès américain, le 17 mars 2014, pour célébrer l'effort conjoint des Etats-Unis et de Cuba. Une visite rarissime dans cette modeste mais élégante Finca Vigia.  Pour McGovern, ce genre de terrain d'entente pourrait combler le fossé entre La Havane et Washington.

Gladys Rodriguez, ancienne directrice de la maison d'Hemingway souligne que cette demeure est «un pont culturel entre les peuples cubains et américains, voué à perdurer». Les archives qu'Hemingway a laissées dans sa maison de La Havane entre 1940 et 1960 sont des pépites. Des trésors où l'on trouve même le célèbre télégramme de 1954 venant du comité du Prix Nobel annonçant, depuis Stockholm, que la récompense revenait à Ernest.

Archives de la bibliothèque et du musée JFK.


Tom Putman, directeur de la bibliothèque Kennedy, s'enthousiasme : «Pour une figure littéraire souvent décrite comme plus grande que la vie, ce trésor d'effets personnels permet d'humaniser l'homme et de comprendre l'écrivain.»

La vie personnelle d'Hemingway pourrait s'écrire comme un roman. Un roman épique. Un roman d'espionnage aussi. Quand Hemingway s'intalle à Cuba en 1942, le sulfureux patron du FBI, John Edgar Hoover le met sous surveillance. En 1980, un chercheur réclame l'ouverture du dossier, au nom du Freedom Information Act. Un dossier que le Nouvel Observateur s'est procuré : «Depuis octobre 1942, il vit avec sa 3e femme, Martha Gellhorn, journaliste au Collier's magazine dans une ferme près de La Havane. Ils se sont rendus tous les deux en Espagne pendant la guerre civile». Pourtant, proche de l'ambassadeur américain, Hemingway propose ses services comme agent de renseignement auprès des USA. Il va jusqu'à monter une structure informelle d'espionnage, la Crook Factory, chargée de récolter des renseignements sensibles sur l'île.

Pour Patrick Hemingway, l'un des fils de l'écrivain, «le FBI était jaloux des prérogatives accordées à mon père. C'était une stupide histoire de rivalité». Car pour Hoover, c'en est trop et après une campagne de dénigrements, il réussit à faire dissoudre, en 1943, la Crook factory. Hemingway continue néanmoins à jouer les espions bénévoles.

Hemingway et Castro à Cuba en 1960, un an avant le suicide de l'écrivain. (AFP)


En 1960, alors que Fidel Castro vient de renverser la dictature de Battista, on conseille à Hemingway de quitter La Havane. Il quitte alors pour toujours la Finca et ne s'en remettra pas. Terrorisé à l'idée d'être étiqueté comme «un rouge» et toujours surveillé par le FBI, Hemingway s'est pourtant toujours refusé à émettre la moindre critique envers Fidel Castro. Une attitude expliquée par sa nièce Hilary : «Il était dans une position intenable. Il avait encore beaucoup d'amis proches là-bas, il avait peur pour eux.» Sa quatrième femme, Mary, a fait don de la maison de La Havane au gouvernement Cubain en 1961, juste après le suicide de l'écrivain.

Depuis cette époque, l'île castriste fait l'objet d'un embargo financier de la part des USA. Selon un rapport de l'ONU, publié en 2011, «les pertes infligées à Cuba par le blocus s' élèveraient à 108 milliards de dollars». Dans les faits, l'embargo s'est assoupli, notamment grâce à Barack Obama, même s'il affecte toujours la vie quotidienne des Cubains. Depuis 2009, les Etats-Unis volent au secours de l'économie cubaine (Le Figaro) et l'embargo pourrait bien mourir avant même d'être levé. Même le Tukola, la version socialiste de Coca Cola, est de plus en plus remplacé par l'original américain fabriqué au Mexique.

Selon les historiens, la maison de «papa» (fils préféré), le surnom affectueux donné par les Cubains, pourra être conservée telle qu'Hemingway l'a laissée. Sur une table de salon, les bouteilles d'alcool à moitié pleines s'alignent, intactes depuis 50 ans. De même que les notes griffonnées sur les murs de la salle de bain où Hemingway traçait chaque jour sa courbe de poids, et notait sa tension. «Si nous gardons les inscriptions sur les murs, l'esprit d'Hemingway sera toujours là et la maison deviendra un énorme document. Le témoignage de tout ce qu'Hemingway a accompli», explique Gladys Rodriguez.

«Hemingway a toujours rassemblé les gens», déclare Mc Govern. «Il transcende la politique. Si les Américains et les Cubains peuvent se réunir pour préserver une maison... alors il n'y a aucune limite à ce que nous pouvons faire si nous travaillons ensemble.»

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