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En République dominicaine, il ne fait pas bon être d'origine haïtienne
Le scandale se poursuit en République dominicaine, dans une indifférence quasi générale. Des milliers d’habitants se voient privés de leur nationalité et expulsés vers Haïti. Une réforme constitutionnelle permet en effet de revoir les conditions d’obtention de la nationalité. Et être d’origine haïtienne est très mal vu.
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Au poste frontière de Malpasse en Haïti, la scène devient tristement régulière. Un bus jaune dépose une trentaine de personnes devant la barrière de la douane. Il s’agit d’un véhicule du service d’immigration dominicaine. Les voyageurs sont des expulsés qui n’ont pas pu prouver leur nationalité.
Les expulsions de la République dominicaine se multiplient depuis la réforme de la constitution en 2013. Elle a changé le principe du droit du sol en droit du sang. Du coup, plusieurs dizaines de milliers de descendants d’Haïtiens n’ayant pourtant jamais vécu en Haïti ont perdu la nationalité dominicaine, et se retrouvent apatrides.
Ainsi, selon le Groupe d’appui aux réfugiés et aux rapatriés, 25% de la population dominicaine ne possède pas d’identité, et par conséquent ne peut pas jouir de ses droits élémentaires.
Un pays vidé de ses habitants
On ne sait pas combien de personnes sont et seront touchées par la décision de la Cour constitutionnelle. En octobre 2013, Amnesty parle d’une récente enquête menée par le Bureau national des statistiques. Elle a révélé que 244.151 personnes étaient des enfants de parents «étrangers» et 86% d'entre elles étaient d’origine haïtienne.
Toujours selon Amnesty International, 500.000 travailleurs haïtiens sans papiers vivent en République dominicaine. Nombre d’entre eux sont là depuis 20 ou 40 ans, ou même y sont nés, précise l’ONG. Pourtant, la Cour Suprême dominicaine considère ces personnes comme étant «en transit». Pire, l’effet est rétroactif. Sont concernées les personnes nées depuis 1929.
Selon Libération, en deux ans, plus de 66.000 personnes sont rentrées en Haïti. Le nombre a été communiqué par les autorités de Saint-Domingue. Pour près de 20% d’entre elles, le recours à la force a été nécessaire.
Le cas des personnes dites de groupe B est encore plus complexe. Elles sont nées de parents étrangers en situation irrégulière. Leur naissance n’a jamais été déclarée. Si elles veulent demeurer sur le sol dominicain, elles doivent d’abord se faire enregistrer comme étrangères… Mais issues de quel pays?
Racisme et xénophobie
En fait, cet imbroglio est le résultat de relations de plus en plus tendues entre les deux pays. Les Haïtiens ont longtemps servi de main d’œuvre bon marché dans les champs de cannes de la République dominicaine. Selon certaines ONG, racisme et xénophobie expliqueraient cette politique.
Human Rights Watch évoque également une soixantaine d’arrestations et d’expulsions arbitraires de personnes vers Haïti malgré des papiers dominicains en bonne et due forme. Human Rights Watch évoque ainsi le cas de Wilson, âgé de 25 ans. «Les policiers ont refusé de le laisser aller à son domicile pourtant proche pour chercher son acte de naissance dominicain. Ils l'ont obligé à monter dans un camion.» Destination la frontière et l’expulsion en Haïti où le jeune homme n’est jamais allé.
La police sépare également sans état d’âme des familles, comme le raconte Beltha Desir à la journaliste Amélie Baron. Géopolis lui avait consacré un diaporama en juillet 2015. Expulsée, elle a laissé deux enfants en République dominicaine.
Les protestations internationales ne suffisent pas à faire fléchir les autorités de Saint-Domingue. Une loi a bien tenté de réduire la portée de la décision de la Cour constitutionnelle, en vain, tant elle est alambiquée. Quant aux expulsés, ils ne vivent que grâce aux aides internationales.
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