Colombie : un accord de cessez-le-feu avec les Farc met fin à cinquante ans de guerre
Ce prélude à un accord de paix a été signé, jeudi, à La Havane (Cuba). Le conflit entre la guérilla marxiste des Farc et le pouvoir colombien, qui a débuté au milieu des années 1960, a fait au moins 260 000 morts.
A Bogota, ce jeudi 23 juin, la nouvelle est accueillie par les larmes, les cris de joie, les danses, les sourires et les baisers. Un écran géant trône au coeur de la capitale. En direct, à l'image, le chef de l'Etat et le leader des Farc, Timoleon Jimenez alias "Timochenko", paraphent un accord de cessez-le-feu, prélude à un accord de paix. Ils sont à Cuba, à La Havane. Dans la salle, plusieurs chefs d'Etat et le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon.
Le président colombien et le chef des Farc se sourient et se serrent la main. Sur le papier, ils viennent de mettre fin à un conflit vieux de 52 ans. Le plus ancien d'Amérique latine. Une guerre qui a fait au moins 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,9 millions de déplacés. Le président colombien Juan Manuel Santos se réjouit : "Aujourd'hui est un jour historique pour notre pays (...) nous avons mis un point final au conflit armé avec les Farc". Et le chef des Farc d'ajouter : "Puisse ce jour être le dernier de la guerre."
Un accord qui doit être ratifié par plébiscite
L'accord de paix définitif devrait être signé autour du 20 juillet. Il établit les modalités de "l'abandon des armes, des garanties de sécurité [pour la rébellion] et de la lutte contre les organisations criminelles", selon les médiateurs des négociations.
Des accords partiels avaient déjà été conclus sur la réforme agraire, le trafic de drogue, les réparations aux victimes (qui inclut la justice s'appliquant aux ex-belligérants) et la participation politique des guérilleros démobilisés.
L'accord de paix devra encore être ratifié par plébiscite, trois mois après sa signature. Et la droite de l'ancien président Alvaro Uribe y est opposée.
De 1964 à 2012, près d'un demi-siècle de conflit
D'un groupe de paysans fuyant l'armée naissent les Farc en 1964. Cette guérilla marxiste-léniniste entend défendre des paysans pauvres face aux propriétaires terriens. Dans les années 1970, les Farc pratiquent "des enlèvements contre rançon et exigent un paiement aux cultivateurs de marijuana", rappelle Radio Canada. En 1984, fortes de 3000 hommes, elles négocient pour la première fois un accord de cessez-le-feu et fondent un parti. Mais ses militants sont traqués par des groupes paramilitaires. La guérilla reprend de plus belle.
Narcotrafiquants, groupes paramilitaires d'extrême droite, armée impuissante, guérillas : la violence s'abat sur la Colombie. Les populations en font les frais. En Colombie, près d'un habitant sur sept est un déplacé, note La Croix. Les Farc enlèvent des civils et des militaires, pratiquent l'extorsion, lèvent une taxe sur la cocaïne. Au début des années 2000, on dénombre 17 500 combattants au sein de la guérilla, selon Libération. Mais après une longue offensive lancée par le président Alvaro Uribe, leurs effectifs diminuent de moitié et les Farc sont plus impopulaires que jamais. Finalement, des négociations de paix s'engagent en 2012. Il faudra trois ans et demi pour obtenir un accord.
D'autres mouvements armés restent actifs
Si cette paix est conclue avec les Farc, cela ne signifiera pas pour autant la fin du conflit en Colombie. Car il existe une autre guérilla, l'Armée de libération nationale (ELN), et des bandes criminelles principalement issues d'anciens groupes paramilitaires qui continuent de défier le gouvernement.
Mais l'espoir est permis. Après des négociations préliminaires tenues secrètes, des pourparlers de paix entre Bogota et l'ELN doivent s'engager. Quant aux groupes paramilitaires, bien qu'officiellement démobilisés en 2006, rappelle Libération, ils gardent une capacité de nuisance. Mais, les guérillas désarmées, les forces de l'ordre pourraient concentrer leurs efforts pour mettre les paramilitaires hors d'état de nuire.
Reste enfin la difficile question de la réconciliation. Ceux qui passeront aux aveux pourront échapper à la prison et les ex-combattants participer à la vie politique. "Pour avoir la paix, les Colombiens devront faire preuve d’indulgence à l’égard des crimes commis pour des motifs politiques", explique au Monde le sociologue franco-colombien Daniel Pécaut, membre de la Commission historique du conflit et de ses victimes. Et la justice transitionnelle devra trouver un subtil équilibre entre guérilleros, militaires et civils compromis.
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