Colombie : les Farc passent aux aveux
C’est l'un des hauts cadres des Forces armées révolutionnaires de Colombie qui s’est présenté devant la presse. «Comme force politico-militaire belligérante dans le conflit social et armé en Colombie depuis plus de 50 ans, il est évident que nous sommes intervenus de manière active et nous avons eu un impact sur notre adversaire et, d'une certaine manière, nous avons affecté la population qui a vécu au milieu de la guerre», a admis Pablo Atrato. Pour les observateurs, que ce dirigeant des Farc ait consenti cet aveu est un signe prometteur.
Engagés depuis deux ans dans un processus de réconciliation avec le pouvoir à Bogota et son président de centre-droit Juan Manuel Santos, les guérilleros marxistes des Farc, les plus nombreux du pays avec 8.000 membres, sont apparemment entrés dans une nouvelle phase. Et même si cette phase «peut encore prendre deux ans, nous pourrions assister à une diminution de la violence» avance Eduardo Celis, expert du centre de recherches Nuevo Arcoiris, spécialisé dans les conflits armés en Colombie.
Le gouvernement colombien réclamait depuis longtemps de la part des Farc une reconnaissance explicite de leur responsabilité dans les dommages causés aux civils, ainsi qu'un engagement à apporter réparation aux victimes. N’avait-il pas lui-même fait le premier pas ? Le 25 juillet 2013, le président Juan Manuel Santos avouait en effet que l'Etat colombien avait été «responsable, parfois par omission, parfois de manière directe, de graves violations des droits de l'Homme et d'infractions au droit humanitaire international survenues au long de ces cinquante années de conflit armé interne».
Le conflit colombien, le plus vieux d’Amérique latine, a fait 5,3 millions de déplacés et 220.000 morts, selon les chiffres officiels.
Juan Manuel Santos a été réélu en juin 2014 avec pour mission de faire la paix avec les guérillas de son pays dont les Farc
Le sujet le plus épineux : l’abandon des armes
Pendant les pourparlers qui se déroulent à La Havane, aucun cessez-le-feu n’a été décidé sur le terrain. De plus, la présence de participants guérilleros recherchés par les forces de l’ordre, même si elle est indispensable à l’avancée des travaux, révolte l’opposition et une partie de l’opinion.
Pour les plus hostiles, dirigés par l'ancien président conservateur et actuel sénateur Alvaro Uribe, la présence à Cuba la plus intolérable est celle du commandant «Romaña», responsable des pêches miraculeuses, ces enlèvements opérés au hasard des routes des environs de Bogota. Comme un pied de nez à cette agitation, Romaña, lui, s’est payé le luxe d’un brin de provocation : «Notre arrivée illustre la confiance des Farc dans la paix». «Il y a des grosses couleuvres à avaler», a reconnu le président Juan Manuel Santos à la télévision nationale, «mais c'est le seul moyen de parvenir à la paix».
Il reste néanmoins un chapitre de taille à aborder, celui des armes détenues par les Farc dont il est évident dans les rangs du pouvoir qu’elles devront s’en défaire. Ce n’est pas une simple formalité. Ca pourrait même représenter, selon la directrice de l’Observatoire pour la Paix en Colombie, Vera Grabe, ancienne militante, un véritable traumatisme qui remonte aux années 50, lorsque des miliciens démobilisés avaient été abattus avec leurs propres fusils.
Quand la question sera mise sur le tapis, l’atmosphère pourrait se tendre. Les Farc, d’un côté, ont exclu toute cérémonie les montrant en position soumise de celui qui se rend. «Personne n’aura la photo de la remise des armes par les Farc» a prévenu l’un des négociateurs. De l’autre côté, le représentant du gouvernement, l'ancien vice-président Humberto de la Calle, rappelle la règle: pas de paix qui vaille sans la démobilisation totale et la remise de leurs armes par les guérilleros.
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