Brésil : qu'est-il arrivé à la croissance?
Devenu la sixième puissance économique mondiale, le Brésil était cité comme un exemple de la croissance économique. Pourtant, le miracle de la croissance semble etre disparu aujourd'hui.
Le Brésil, c'était un nouvel eldorado. Pourtant, les manifestations contre la hausse des prix des transports, déclenchées par le coût faramineux des préparatifs pour la Coupe de Monde 2014, ont dévoilé un profonde malaise du pays. La vie est chère et la croissance en berne : qu'est-t-il arrivé au miracle économique brésilien?
Explications avec Pierre Salama, professeur universitaire et auteur du livre Les économies émergentes latino-américaines, entre cigales et fourmis.
Francetv info : Que s'est-il passé avec le miracle de la croissance brésilienne ?
Pierre Salama : Soyons prudents avec les termes. Quand on parle de miracle, on surestime l'ampleur de la croissance brésilienne, comme si le pays enregistrait les mêmes taux de croissance que la Chine ou l’Inde, deux autres BRICS (un acronyme qui désigne cinq grandes puissances émergentes : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Certes, sur la période 2002-2010, le pays affichait une croissance positive, mais elle restait relativement modeste (5% en moyenne) comparée à la croissance chinoise (10% en moyenne).
C'est le pic de croissance de 2010 - une croissance dite "asiatique" de 7,5% - qui a fortement marqué les esprits. Pourtant, depuis 2011 la croissance est en baisse : en 2012 elle n'a atteint que 0,9%.
Mais le pays a bien connu une période de prospérité dans les années 2000 ?
Effectivement. A partir de 2005, le président Luiz Inacio Lula da Silva a mis en place une politique de redistribution des revenus en instaurant un salaire minimum. Il a également opté pour une augmentation des salaires et des injections de crédit afin de favoriser la consommation.
Dans le même laps de temps, le pays a bénéficié de l'explosion des prix des matières premières. L'économie du pays s'est largement appuyée sur l'exportation de ces denrées, quitte à laisser de côté certains pans de l'économie, comme l'industrie. En moyenne, 62% des exportations brésiliennes sont des matières premières. D’origine agricole (soja, blé, canne à sucre, café) d'une part, mais aussi minérale (fer, aluminium) d'autre part.
Pourquoi cette croissance s'est-elle essoufflée aujourd'hui ?
Plusieurs facteurs y ont contribué. La crise, d'abord, a affaibli la puissance économique des principaux partenaires commerciaux du Brésil. A l'origine, le pays a bien joué en diversifiant ses clients : le numéro un reste la Chine, suivie par les Etats-Unis, l'Argentine et l'Europe. Malheureusement pour eux, aucun de ces pays ne se porte particulièrement bien en ce moment. Même la Chine enregistre un ralentissement économique. Par ailleurs, on observe une baisse de prix des matières premières.
De même, la hausse de la demande intérieure ne s'est pas traduite par une augmentation de la production industrielle, mais plutôt de l'importation. Le pays enregistre aujourd’hui un balance d'échanges négative, ce qui veut dire que le pays importe plus de biens qu’il n'en exporte.
Y a-t-il eu des précédents?
Déjà en 2009, le Brésil a vécu une crise, avec un taux de croissance de moins de 0,3%. Pourtant, la population ne s'est pas vraiment sentie touchée, en raison d'une politique d’augmentation des salaires et de financement par crédits. Aujourd'hui, les salaires ne montent plus au même rythme. La hausse des taux d'intérêt et du prix des produits alimentaires touche tout le monde. Avec la crise, d'autres problèmes de la société brésilienne, dont la corruption, refont surface.
Quelles solution la présidente Dilma Rousseff pourrait-elle proposer ?
Je crois que la présidente Dilma Rousseff va chercher à maintenir une forte demande de la consommation. En même temps, elle devrait essayer de gagner en compétitivité, avec une réindustrialisation du pays, pour que les ressources du pays ne dépendent pas autant des matières premières.
Il est également possible qu'elle opte pour une politique de protectionnisme. Elle a déjà mis en place une forme de protectionnisme en relevant les droits de douane sur les importations. Reste à savoir si elle va accentuer cette politique.
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