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Arrestations chocs : les plus beaux coups de la justice américaine

Le marchand d'armes Viktor Bout, condamné pour soutien au terrorisme, a été arrêté grâce à des agents américains déguisés en membres des Farc. Comme d'autres célèbres hors-la-loi, il est tombé grâce à des voies détournées.

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Le trafiquant d'armes Viktor Bout lors de son arrivée à New York (Etats-Unis), le 16 novembre 2010, après son extradition de Thaïlande. (U.S. DEPARTMENT OF JUSTICE / REUTERS)

Viktor Bout est fixé sur son sort : la justice fédérale américaine a condamné jeudi 5 avril le trafiquant d'armes, célèbre pour avoir servi d'inspiration au film Lord of War, à la peine minimale de 25 ans de prison. Son crime : avoir voulu vendre sa marchandise à une organisation terroriste. Ou plus précisément, à des agents américains se faisant passer pour des terroristes.

Si Viktor Bout est bien soupçonné d'avoir fourni illégalement des milliers d'armes à des groupes armés partout sur la planète, du Liberia à l'Afghanistan, les autorités américaines ont dû ruser pour le traduire en justice : en 2008, des agents américains l'ont piégé à Bangkok, en Thaïlande, en prétendant être des guérilleros colombiens des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) cherchant des armes pour abattre des hélicoptères américains. Viktor Bout a accepté de leur fournir pas moins de "100 missiles sol-air, 20 000 kalachnikovs, 20 000 grenades à fragmentation, 740 mortiers, 350 fusils, 10 millions de munitions et 5 tonnes d'explosifs C4", selon le procureur.

Un dernier contrat qui, non content d'être factice, lui a coûté très cher. Viktor Bout n'est pourtant pas le premier hors-la-loi à être arrêté grâce à des voies détournées. Dans la célèbre liste des dix hommes les plus recherchés par le Federal Bureau of Investigation (FBI), régulièrement mise à jour, nombreux sont ceux qui ont fait les frais de la ténacité de leurs compatriotes. FTVi vous raconte quatre des arrestations les plus notables opérées par la justice américaine.

• James "Whitey" Bulger, retrouvé grâce à un chat des rues

Comme Viktor Bout, James "Whitey" Bulger a connu son heure de gloire grâce au grand écran. Ancien patron de la mafia de Boston, il a servi d'inspiration au personnage de Franck Costello, joué par Jack Nicholson dans Les Infiltrés, de Martin Scorsese. 

Ce puissant chef de gang, qui bénéficiait de complicités au sein du FBI, est entré dans la clandestinité en 1995 après avoir échappé de peu à une arrestation programmée à l'insu du "Bureau". Impliqué dans au moins 19 meurtres, il va passer plus de seize ans en cavale sans être inquiété malgré une récompense de 2 millions de dollars placée sur sa tête.

En juin 2011, les hommes du FBI, persévérants, tentent une nouvelle approche : ils diffusent un appel à témoignage centré sur sa compagne, Catherine Greig, dans dix Etats américains où le gangster pourrait s'être réfugié. Le message est tout particulièrement calibré pour alerter les femmes susceptibles de la croiser chez le coiffeur ou encore dans les salles d'attente médicales. "Nous pensions que localiser Greig nous mènerait à Bulger. Et c'est exactement ce qui s'est passé", a commenté l'agent du FBI en charge des opérations lors de sa capture. Son apparence physique y est décrite, mais aussi ses habitudes, sa personnalité ou encore son amour des animaux…

La résidence de Santa Monica, en Californie (Etats-Unis), où vivait James Bulger, le 23 juin 2011. (LUCY NICHOLSON / JAMES BULGER)

C'est une ancienne reine de beauté islandaise, une certaine Anna Bjornsdottir selon le Boston Globe, qui fait le rapprochement entre Catherine Greig et son ancienne voisine Carol Gasko. Celle-ci prenait tendrement soin de Tiger, un chat abandonné qu'elle nourrissait deux fois par jour sous l'œil protecteur de son mari, un certain Charlie… Le couple est arrêté quelques jours plus tard à Santa Monica, en Californie, où il coulait des jours paisibles.

• William Walter Asher III, localisé grâce à sa mère mourante

A 66 ans, après trente-six ans de cavale, William Walter Asher III pensait sans doute pouvoir dormir tranquille. Arrêté une première fois en 1967 pour un braquage ayant tourné à l'homicide sauvage, ce jeune criminel (il a 20 ans au moment des faits) s'échappe huit ans plus tard du pénitencier californien où il est incarcéré, grâce à l'aide d'une complice. 

Passé sous le radar des autorités, William Walter Asher III refait sa vie sous une fausse identité : il se marie, travaille comme chauffeur routier et a plusieurs enfants, avant de divorcer. L'une de ses filles donnera même, plus tard, des indications au FBI quant au lieu où se trouverait son père, sans succès.

William Walter Asher III, en 1967, lors de sa première arrestation. (CALIFORNIA DEPARTMENT OF CORRECTIONS)

Mais c'est un autre membre de sa famille qui, involontairement, le mènera à sa perte : sa mère, Mable Welch. Sur le point de mourir, en 2005, celle-ci demande à des proches de l'aider à contacter "Billy" grâce à un numéro secret. En épluchant des factures téléphoniques, les enquêteurs découvrent que deux jours avant la mort de Mable Welch, deux coups de téléphone émanant de son entourage ont été passés vers une ligne de téléphone fixe localisée à Salida, en Californie. Asher y est arrêté en août 2011. Selon le FBI, il y vivait depuis plus de dix ans avec une nouvelle compagne, qui ignorait tout de son passé.

• John Dillinger, trahi par une mère maquerelle

John Dillinger n'était sans doute pas assez prudent pour mener une vie clandestine. Le bandit incarné au cinéma par Johnny Depp dans Public Enemies a écumé pendant deux ans le Midwest américain avant d'être abattu par les hommes du FBI.

L'épopée qui a fait de lui l'homme le plus recherché des Etats-Unis commence en 1933, lorsqu'il sort de prison après huit ans et demi passés derrière les barreaux pour son premier braquage. A la tête d'une bande très organisée, il enchaîne les hold-up violents, et devient en quelques mois l'ennemi public numéro 1. John Edgar Hoover, ambitieux patron du FBI, veut faire de cette affaire un modèle pour ses nouvelles méthodes. A l'été 1934, il met en place à Chicago une équipe spéciale consacrée à l'affaire. Ses membres sont chargés de remonter toutes les pistes qui parviennent jusqu'à eux. 

Photo non datée de John Dillinger. (FEDERAL BUREAU OF INVESTIGATION)

Un samedi après-midi, le 21 juillet, ils reçoivent un appel d'une certaine Anna Sage (de son vrai nom Ana Cumpanas), patronne d'un bordel dans l'Indiana. D'origine roumaine, elle est menacée d'expulsion par les autorités. Contre des assurances sur son avenir, elle propose de livrer Dillinger, qui fréquente alors une de ses connaissances, Polly Hamilton. Le lendemain, les trois ont prévu d'aller au théâtre à Chicago.

Le FBI mobilise tous les agents présents dans la ville, fait poster des hommes autour des deux théâtres susceptibles de recevoir leur visite. Pour leur signaler la présence de Dillinger, Anna Sage a convenu avec eux de porter une robe orange qui les rend reconnaissables. Le bandit est abattu à la sortie de la représentation après avoir tenté de sortir son arme. L'opération fait les gros titres de tous les journaux, dont le New York Times.

• Al Capone, perdu par ses feuilles d'impôts

De tous les bandits mentionnés ici, Alphonse Gabriel dit "Al" Capone est sans nul doute le plus célèbre. Chef de gang redouté de Chicago pendant la Prohibition, dans les années 1920, à la tête d'un puissant réseau de contrebande et de prostitution, commanditaire probable de dizaines de meurtres, ce sont pourtant de tout autres méfaits qui finiront par le conduire derrière les barreaux.

Alphonse Gabriel dit "Al" Capone, chef de gang de Chicago, en 1930, après une de ses interpellations. (ANTIQUE RESEARCH CENTRE / TIPS)

Le 17 octobre 1931, le célèbre mafieux est condamné à onze ans de prison ferme pour… fraude fiscale. Incapables de prouver ses crimes, les enquêteurs ont épluché toutes ses dépenses, de ses chemises sur mesure aux fêtes qu'il donne pour Noël ou son anniversaire, comme le rappellent des archives mises en ligne par l'université du Missouri à Kansas City.

Grâce à ce travail de fourmi, les autorités établissent qu'Al Capone gagne bien davantage que ce qu'il a déclaré, et procèdent à son arrestation. Traîné devant les tribunaux, le patron du crime tente plusieurs manœuvres pour s'en sortir, allant jusqu'à faire pression sur les jurés. Peine perdue : l'accusation fait récuser le jury et l'échange avec celui prévu pour un autre procès. Al Capone sortira de prison en 1939, physiquement très diminué. Il mourra en 1947 d'un arrêt cardiaque.

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