"Merci de nous permettre de lutter pour notre pays" : avec les militaires déployés contre les incendies en Amazonie
Les renforts, envoyés par Jair Bolsonaro le vendredi 23 août pour lutter contre les feux en Amazonie, continuent à se déployer dans le pays.
Dans la région du Rondonia dans le sud-ouest du Brésil, des centaines d’hommes sont arrivés, prêts à s’enfoncer dans l'Amazonie pour empêcher les flammes de progresser. Ces militaires, franceinfo les a suivis au départ de la ville de Porto Velho, lundi 26 août.
Peu avant 10h du matin, des militaires en treillis de camouflage gris sont réunis en cercle main dans la main, ils écoutent en silence le sermon lancé par le sergent Santana. Le militaire en appelle à Dieu, à Jésus, "leur sauveur", dit-il, “Seigneur, merci pour cette mission, merci de nous permettre de lutter pour l’Amazonie, pour notre peuple et pour notre pays !” La prière se termine par le cri de ralliement de la Force nationale, "Forsa Brasil !" La Force nationale est une des nombreuses unités militaires du pays envoyées en renfort dans les sept États qui en ont fait la demande à ce jour.
"N'oubliez pas le matériel anti-incendie"
Ces seize hommes sont arrivés dimanche 25 août de tout le Brésil pour prêter main forte aux pompiers de la région. Ils portent des pistolets à la ceinture et, pour certains, des fusils d’assaut dans les mains. Plus inhabituel, il y a du matériel pour aller au feu dans les coffres de leurs véhicules.
“Ces quatre voitures vont partir en direction de la commune de Buritis, explique le colonel Peres. Il dirige cette compagnie de la Force nationale et fait un dernier point avec ses hommes : n’oubliez pas de vérifier encore une fois votre matériel personnel, ainsi que le matériel anti-incendie”.
“Les pleins des véhicules sont faits ! lui répond un lieutenant. Le matériel est à bord ! Nous sommes prêts à partir. Premier véhicule : embarquez !”
Paysages de désolation
Direction le sud de la région du Rondonia où de nombreux incendies sévissent encore. Un convoi de véhicules rouges, des 4x4 empruntés aux pompiers de Porto Velho s'enfonce dans l'Amazonie.
Sur la route, des terres calcinées, des arbres brûlés, de véritables paysages de désolation dont s’échappent encore parfois des volutes de fumée. Les flammes ont fait des ravages, seul le bitume de la route régionale a parfois réussi à les stopper. Des pans entiers de forêt tropicale ont disparu. Paradoxalement, ils jouxtent d’autres parties totalement préservées, elles, où des vaches amaigries broutent un semblant d’herbe.
C’est comme si le feu avait choisi avec précision ses cibles. C’est d’ailleurs vraisemblablement le cas, grâce au concours de l’homme. Ces nombreux départs de feu sont le fait d’agriculteurs ou de grands propriétaires terriens qui en profitent pour défricher et gagner un peu plus sur la forêt. Il y a eu 6 500 départs de feu depuis le mois de janvier dans cette région du Rondonia.
Les orages retardent l'avancée des militaires vers les zones dévastées
Malgré la rapidité des gros 4x4 qui ont roulé, pour certains, gyrophares allumés tout du long, les seize militaires de la Force nationale sont contraints de s’arrêter après trois heures de route et 200 kilomètres parcourus. Ils passent la nuit dans une petite ville du sud, Ariquemes. Avec l’orage, impossible de s’enfoncer davantage dans la forêt et la pluie a commencé à tomber. Une aide précieuse et inattendue pour les militaires de la Force nationale..
Ils vont repartir le lendemain matin pour s'enfoncer encore davantage dans la jungle amazonienne. Un camp militaire doit être installé dans une autre ville à deux heures d’ici, explique le colonel Peres. “Nous déployons quatre groupes dans la ville de Buritis, reprend-il, ils sont attendus par l’armée et les pompiers de la région du Rondonia. Ensuite, ils iront tous ensemble dans la forêt pour combattre les incendies”. 700 pompiers et 700 militaires, 1400 hommes au total sont mobilisés dans la région, selon le colonel. "Nous sommes une référence dans la lutte contre les incendies", ajoute le soldat. Il approuve d’ailleurs la décision de son pays de rejeter l’aide d’urgence pourtant proposée par le G7. Le Brésil n’en a pas besoin, assure-t-il. La situation peut être gérée par les pompiers et les militaires venus en renfort. Tous sont prêts désormais à s’enfoncer dans la forêt tropicale pour empêcher les flammes de progresser.
À leur départ de Porto Velho, ils ont été équipés par le major Guedes. "Ils ont sur leur dos des pompes à eau pesant une vingtaine de kilos et aussi des étouffeurs, expose-t-il, c'est un outil constitué d'un manche en bois et d'une bâche qui permet d'éteindre le feu en tapant par terre"
Dans le ciel, deux C130 Hercules, ces avions capables de transporter 12 000 litres d'eau ont été déployés par la force aérienne brésilienne. Des avions et des hommes qui doivent venir à bout des feux qui se sont encore déclarés dans la région depuis des semaines. Au total, près de 80 000 feux de forêt ont été répertoriés au Brésil depuis le début de l'année, niveau le plus haut depuis 2013, dont plus de la moitié en Amazonie, selon l'Institut national de recherche spatiale (INPE).
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