Zimbabwe : le 93e anniversaire du président Robert Mugabe
Robert Mugabe est né le 21 février (1924). Mais il n’en célèbre pas moins une grande fête d'anniversaire le 25…
En ce 25 février 2017, le journal The Herald, qui se présente, comme «le plus grand quotidien» du Zimbabwe, a publié pas moins de 24 pages remplies de messages de félicitations de ministres et de soutiens du régime. Sur la page d’accueil du site internet du même journal, on voit le président zimbabwéen, tout sourire, le cou entouré de colliers de fleurs, au milieu d’une myriade de ballons gonflables de toutes les couleurs. Et d’expliquer que les célébrations de l’anniversaire «rassemblent des gens venus de toutes les régions du Zimbabwe et d’autres parties du monde».
De leur côté, radio et télévision officielles ont inondé leurs ondes de chansons à sa gloire.
Et l’on s’en doute : les commentaires de ses partisans sont très laudatifs. «C'est un honneur et un privilège de partager une célébration avec une telle icône lumineuse», a expliqué à l’AFP un cadre local de son parti, la Zanu-PF, Sibongile Ndiweni.
Des ripailles à un million de dollars
Comme chaque année, un banquet conclut une semaine d'extravagances à la gloire de celui qui dirige sans partage l'ex-colonie britannique depuis son indépendance en 1980 (il a été Premier ministre de 1980 à 1987 avant de devenir président en 1987).
D'un coût estimé à un million de dollars, ces ripailles gargantuesques suscitent la colère d'une population dont la quasi-totalité est privée d'emploi formel et souffre de pénuries alimentaires. 80 % de la population vivrait sous le seuil de pauvreté (fixé, par la Banque mondiale, à 1,90 dollar par jour) dans un pays où, en 2015, l’inflation était de 500.000.000.000 %!
En 2016, pour son 92e anniversaire, Robert Mugabe avait servi à ses invités de la viande d'éléphant et de buffle à foison. Ainsi qu’un énorme gâteau pesant 92 kilos, un poids équivalent… à son âge.
En 2017, ces frasques se doublent d'une polémique historique. La fête se tient dans le parc national de Matobo (sud), près d'un site où reposent les victimes d'une des vagues de répression les plus meurtrières ordonnées par Robert Mugabe.
Début 1983, sa tristement célèbre 5e brigade, entraînée en Corée du Nord, avait fait dans cette région du Matabeleland plus de 20.000 morts parmi les partisans de son compagnon de lutte devenu rival, Joshua Nkomo. Un massacre, connu sous le nom de «massacres de Gukurahundi». «Cela ne devrait pas être un lieu de célébration», a déclaré un porte-parole du «groupe de pression» local Ibhetshu Likazulu, cité par l’AFP. «Toute la région est une scène de crime où les os des victimes des massacres de Gukurahundi sont enterrés».
Grace loin de la disgrâce…
Robert Mugabe, lui, est à des années lumière de la misère de son peuple. Et il se garde toujours de nommer un successeur. Mais sa deuxième épouse Grace, 51 ans, qu’il a décrit récemment comme un «feu d’artifice», est de plus en plus active au sein du parti. Elle fait figure de favorite. Le couple s’est marié en 1996, en présence de 12.000 invités. Selon RFI, Grace, que ses adversaires ont surnommé «Disgrace», s’est servie de sa position «pour devenir une femme d’affaires richissime, accumulant résidences, propriétés et entreprises achetées pour une bouchée de pain». Elle serait également connue pour ses «dispendieuses virées shopping à Londres, Paris ou Hong Kong (et) ses ventes illégales de diamants»…
Apparemment, le président sortant prépare le terrain pour elle. En 2014, elle a ainsi obtenu en quelques mois un doctorat en philosophie à Harare, malgré un parcours (par correspondance) particulièrement médiocre à l’université de Londres. La thèse doctorale portait sur les bouleversements sociaux et leur impact sur la structure familiale.
Le parti de Mugabe, la Zanu-PF a d'ores et déjà investi son chef historique pour briguer un nouveau mandat lors des élections de 2018. Lequel chef aura alors 94 ans. Pour Grace, qui s’exprimait devant des partisans le 17 février 2017, il faudrait présenter la candidature de son époux même s’il n’est qu’un «cadavre».
Elle en a profité pour adresser un avertissement aux anciens compagnons d’armes de son mari : «Aucun de ceux qui accompagnait Mugabe en 1980 n’a le droit de lui dire qu’il est vieux. Si vous voulez qu’il s’en aille, alors vous vous en allez avec lui». Elle avait déjà expliqué que si cela s’avérait nécessaire, elle était prête à le pousser en chaise roulante pour qu’il continue à gouverner.
Quoiqu’il en soit, la lutte pour la succession a donc bel et bien commencé.
Jusqu’à 100 ans?
Mais en attendant, toujours très respecté de ses pairs du continent, l'ancien instituteur continue à imposer son autorité à tout le pays, notamment grâce à une police omniprésente. Et il a profité de ses 93 ans pour tordre le cou aux rumeurs sur son état de santé, bien décidé à perpétuer son règne. «La majorité des gens pensent qu'il n'y a personne pour me remplacer», a-t-il assuré lors d'un entretien télévisé. «Si je pense que je ne peux plus le faire, je le dirai pour que mon parti me remplace. Mais pour le moment, je ne pense pas pouvoir dire cela», a poursuivi le chef de l'Etat, pourtant apparu usé et hésitant.
En 2016, pour son 92e anniversaire, il expliquait qu’il entendait vivre jusqu’à 100 ans… En clair, il entend gouverner jusque là. Il expliquait aussi qu’il se sentait frais comme un gardon Et faisait encore de la gymnastique tous les matins.
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