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Tunisie : six ans après le déclenchement de la révolution, la parole enfin libérée des victimes de la dictature

Les victimes de la dictature tunisienne témoignent samedi en direct à la télévision, six ans exactement après l'immolation du vendeur ambulant Mohamed Bouazizi et le début d'une révolution historique dans le pays. 

Article rédigé par Justine Fontaine, Cécile Mimaut
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des familles de victimes du régime Ben Ali regardent, le 17 décembre 2016 à Tunis, les auditions publiques de victimes de la dictature diffusées en direct à la télévision. (FETHI BELAID / AFP)

Après les premiers témoignages entendus les 17 et 18 novembre derniers, les auditions publiques des victimes de la dictature en Tunisie, organisées par l'Instance Vérité et Dignité (IVD), ont repris vendredi soir et se poursuivent samedi 17 décembre. Une date très symbolique puisqu'il y a six ans jour pour jour, le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid, Mohamed Bouazizi, jeune vendeur ambulant, s'immolait par le feu après la confiscation de son étal. Un geste se désespoir qui déclencha une révolution historique dans le pays puis le départ de Ben Ali pour l'Arabie saoudite début 2011.

Des récits glaçants

Franceinfo a suivi ces auditions vendredi soir. Des récits particulièrement glaçants. Abdallah Ben Salah a raconté en direct à la télévision les tortures qu'il a subies après son arrestation sous le régime de Bourguiba, avant l'arrivée de Ben Ali au pouvoir. "Je n'oublierai jamais le deuxième jour, car c'est le pire traitement que j'ai subi", explique Abdallah Ben Salah.

Il (mon tortionnaire) a éteint son mégot de cigarette sur mon corps, sur mes parties génitales

Addallah Ben Salah, victime de la dictature de Ben Ali

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"Je vous jure que jusqu'à présent je sens cette douleur. Le scénario s'est répété sept fois", lâche-t-il les larmes aux yeux.

En centre-ville de Tunis, certains passants ne connaissent pas l'existence de ces auditions. "C'est la première fois que j'en entends parler. Je ne savais pas du tout", assure l'un deux. Wahid, lui, a regardé les premiers témoignages à la télévision avec sa mère, en novembre. Une épreuve difficile. "J'ai essayé plein de fois de changer de chaîne parce dès ils ont commencé les témoignages, elle (ma mère) a commencé à pleurer. Mais elle voulait voir" , explique-t-il.

Libérer la parole et le devoir de mémoire

Au milieu de la douleur, vendredi soir soir, des rires se sont soudain élevés de la salle d'audition. En tapant du poing sur la table, Salem Kardoun, après avoir raconté ses souffrances, raconte comment il profite de sa nouvelle liberté de parole. "Heureusement, il y a eu la révolution. Maintenant je peux arrêter un taxi et dire : 'S'il vous plaît, allons à un endroit où je puisse crier'", lance-t-il.

Tous les jours je vais le matin à l'ancien siège du RCD, le parti de Ben Ali, et je regarde comment c'est délabré, brulé !

Salem Kardoun, victime de la dictature de Ben Ali

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En cet anniversaire de la révolution, Najwa Rezgui, emprisonnée et torturée parce qu'elle militait dans un syndicat étudiant, exprime un souhait. "J'espère que les enfants des coupables ne deviendront pas eux-mêmes des coupables. Ils ne sont pas responsables de ce qu'ont fait leurs parents. C'est pourquoi je n'ai pas mentionné les noms de leurs familles", conclut-elle.

Et c'est précisément pour éviter que l'histoire ne se répète que les tortionnaires et les corrompus sont invités à témoigner, eux aussi, dans les prochains mois. A condition qu'ils demandent pardon.

Le reportage de Justine Fontaine qui a suivi vendredi les auditions publiques des victimes de la dictature en Tunisie

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