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Lutte contre le terrorisme : il faudrait définir "une politique commune à l'échelle méditerranéenne", estime un chercheur

Vincent Geisser, sociologue et politologue spécialiste de la Tunisie, chercheur à l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans estime que Gérald Darmanin se situe dans la continuité de la politique sécuritaire entre la France et la Tunisie, où il s'est rendu vendredi, basée sur l'immigration et la sécurité.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Gérald Darmanin, en Tunisie , le 6 novembre 2020. (FETHI BELAID / AFP)

"La Tunisie n’est pas seulement un auxiliaire mais un partenaire sécuritaire de la France", a déclaré samedi 18 novembre sur franceinfo Vincent Geisser, sociologue et politologue spécialiste de la Tunisie, chercheur à l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans (AMU). Il estime que Gérald Darmanin, qui était en visite en Tunisie ce vendredi et va se rendre en Algérie dimanche, "se situe dans la continuité de la politique sécuritaire entre la France et la Tunisie" basée sur l'immigration et la sécurité. Mais le politologue pense qu'il faudrait surtout définir "une politique commune à l’échelle méditerranéenne de lutte contre le terrorisme".

franceinfo : Le déplacement de Gérald Darmanin a lieu peu après l’attentat de Nice, dont le suspect principal est un Tunisien arrivé récemment en France. Cela oblige-t-il la Tunisie à céder aux demandes de Gérald Darmanin ?

Vincent Geisser : Il ne faut pas oublier que ces deux dossiers que sont l’immigration dite illégale et le terrorisme fondent la politique franco-tunisienne depuis plus de 20 ans. C'est Charles Pasqua qui l’a inaugurée, elle a été suivie par l’ensemble des ministres de l’Intérieur. De ce point de vue, Gérald Darmanin se situe dans la continuité de la politique sécuritaire entre la France et la Tunisie. Donc cette pression pour que la Tunisie accélère sur ces deux dossiers, c’est quelque chose qui est ancien. Ce qui est peut être nouveau c’est d’associer directement dans la rhétorique gouvernementale et présidentielle la question du terrorisme à l’immigration clandestine, et cette association est de plus en plus faite au regard de l’actualité dramatique, et notamment de l’attentat de Nice.

La France veut expulser une vingtaine de Tunisiens soupçonnés de radicalisation. Faut-il définir des critères plus précis ?

Il faut surtout prendre en compte que la Tunisie est un pays démocratique, que c’est un pays qui est autant frappé par le terrorisme que la France, et qu’elle a des problèmes économiques. Donc il ne s’agit pas tellement de définir des critères, mais de définir une politique commune à l’échelle méditerranéenne de lutte contre le terrorisme, et considérer que la Tunisie n’est pas seulement un auxiliaire mais un partenaire sécuritaire de la France. Il s’agit de fonder les bases du partenariat entre deux Etats souverains et démocratiques. Il faut un partenariat pour que ces personnes radicalisées de nationalité tunisienne qui reviennent chez elles soient traités à l’exemple des traitements que l’on fait en France pour les populations radicalisés qui sont placés dans des quartiers spéciaux. Ca n’est pas simplement une coopération sécuritaire, mais aussi une coopération judiciaire voir pénitentiaire. Celaa suppose que les avocats, les magistrats et les policiers travaillent ensemble, ça ne peut pas simplement être une affaire de ministère de l’Intérieur mais une véritable coopération intergouvernementale entre la France et la Tunisie pour éradiquer ce fléau que constitue le terrorisme.

Ca suffit un dialogue à deux ou il faut une coopération à l’échelle européenne ?

C’est pour ça que je parle de politique commune à l’échelle méditerranéenne. Ce n’est pas seulement du bilatéralisme qui sauvera la Méditerranée du fléau du terrorisme mais c’est une politique commune qui associe les Etats et aussi les sociétés civiles. Car les premières victimes du terrorisme ce sont les sociétés civiles. Et la Tunisie a été particulièrement marquée, blessés par des actes terroristes ces dernières années, c’est pour ça qu’il faut le faire comprendre aux sociétés civiles qu’il y a intérêt à refonder une politique commune en matière de terrorisme.

Alors quand Gérald Darmanin va en personne en Tunisie ou en Algérie pour discuter avec les gouvernements, c’est utile ou c’est de l’affichage ?

Ca n’est pas simplement de l’affichage. Il y aura des mesures et des décisions qui seront prises en termes de renseignement. Mais il aurait peut-être été plus utile de faire une délégation plus large avec le nouveau ministre de la Justice, avec le ministre de l’Education notamment, pour faire comprendre que la lutte contre le terrorisme c’est une négociation intergouvernementale. Il faut une politique plus large qui ne se limite pas à l’aspect policier, mais qui inclue différents aspects sur le plan culturel, sur le plan judiciaire et sur le plan surtout du traitement des terroristes. Parce qu’on va les renvoyer en Tunisie mais pour quoi faire et là il y a des inquiétudes légitimes de la société civiles tunisienne. La question c’est le renforcement du contrôle des personnes qui se radicalisent et des trajectoires radicales. S’ils ne frappent pas en France, ils frapperont en Italie ou dans leur propre pays. On ne peut pas dire : protégeons la France des terroristes, en laissant ces terroristes dans leurs pays. L’objectif ultime c’est bien la lutte contre ce terrorisme jihadiste quel que soit le pays où il frappe. C’est sur cette base commune de souveraineté et de coopération sécuritaire qu’on peut espérer résoudre ou du moins juguler ce drame qu’est le terrorisme islamiste ou terrorisme jihadiste.

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