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"Pas grand-chose n'a changé" : dix ans après la révolution, la déception de nombreux Tunisiens

Dix ans après l'immolation d'un jeune Tunisien le 17 décembre 2010, et le début de la révolution de jasmin, l'optimisme a laissé place à la désillusion. En cause : les difficultés liées à la crise économique.

Article rédigé par Valérie Crova
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le bureau de poste de Sidi Bouzid, sur lequel est exposé le portrait de Mohamed Bouazizi. (VALÉRIE CROVA / RADIOFRANCE)

C'était il y a dix ans jour pour jour, l’immolation de Mohamed Bouazizi, jeune vendeur ambulant de 26 ans, à Sidi Bouzid en Tunisie. Cet acte sonnait comme le coup d’envoi de la révolution de jasmin, qui devait renverser un mois plus tard le président Ben Ali et faire boule de neige dans le monde arabe. Dix ans plus tard, la jeune démocratie tunisienne est confrontée aux difficultés économiques amplifiées par la crise du coronavirus. Des difficultés qui nourrissent la désillusion des jeunes de Sidi Bouzid.

Un mur peint à Sidi Bouzid, dix ans après le debut de la révolution de Jasmin. (VALÉRIE CROVA / R)

La place principale de la ville est décorée de petits fanions. Comme chaque année, la ville s'apprête à célébrer l'anniversaire de la révolution d'octobre. Le cabinet du docteur Nasri Bouderbala se trouve à quelques dizaines de mètres de l'ancien siège du gouvernorat. C'est ici que Mohamed Bouazizi s'est aspergé d'essence avant de s'immoler, un geste de protestation contre la saisie de sa charrette de fruits et légumes qu'il vendait à la sauvette.

Peu de choses ont changé

Le docteur Nasri Bouderbala est un citoyen engagé. Il préside la section locale de la Ligue tunisienne des droits de l'homme. Comme tous les Bouzidi, il a vécu au plus profond de sa chair ce jour de décembre 2010, qui a transformé sa ville en capitale de la révolution : "C'est un honneur que tous les gens partagent, mais cet honneur est de plus en plus imprégné d'une déception, qui ne cesse de progresser. Dix ans après la révolution, il n'y a pas grand-chose qui a changé." Le militant ajoute : "Mise à part la liberté, qui reste un acquis."

Le Docteur Nasri Bouderbala , médecin généraliste à Sidi Bouzid, président de la section régionale de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) (VALÉRIE CROVA / ESP - REDA INTERNATIONALE)

En dix ans, quelques améliorations ont bien été apportées à Sidi Bouzid, ville marginalisée du centre de la Tunisie. Des cafés, où les jeunes se côtoient, ont ouvert. Des trottoirs ont été refaits, des bâtiments repeints. Pour le reste, "on n'a rien vu" souffle Abdelwahab Jellali, le président de l'association du 17 décembre. Elle organise des événements pour attirer des investisseurs, mais cela est difficile : "On n'a pas de projets à Sidi Bouzid, on n'a rien. Ils nous ont promis un hôpital universitaire, on a la décision d'un institut de sport, depuis 2012, on n'a rien vu. Ils nous ont promis d'avoir une faculté d'ingénieurs : on n'a rien vu. Cela nous fait mal au cœur."

Difficile de trouver un emploi

Dans les villes de l'intérieur de la Tunisie, le chômage est jusqu'à trois fois plus élevé que les 18% enregistrés sur le plan national, notamment chez les jeunes diplômés. Titulaire d'une maîtrise en économie financière, Mohamed laisse éclater son amertume : "Les jeunes sont vraiment perdus par le désespoir. Ce désespoir fait que des gens, maintenant, sont contre la révolution. Mais moi, je dis toujours que ce n'est pas la faute de la révolution. Une révolution n'est pas supposée trouver de l'emploi aux gens. C'est le rôle des politiciens. C'est eux qui sont responsables. Ce n'est pas Mohamed Bouazizi."

En ce 17 décembre, jour férié à Sidi Bouzid, rares sont les politiques qui font le déplacement depuis Tunis, de peur d'être confrontés à la colère de ces habitants, qui n'attendent plus rien de leurs dirigeants.

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