Crise politique en Tunisie : au souk de Tunis, des commerçants divisés sur les décisions du président
Dans le souk de Tunis en Tunisie, les commerçants sont partagés quant aux décisions prises par le président, qui a limogé le Premier ministre et suspendu les activités du Parlement dimanche. Cependant, beaucoup s'accordent à dire que le parti islamiste Ennahda au pouvoir a fait des erreurs.
Alors que la Tunisie s'enfonce dans la crise politique, la communauté internationale appelle au retour de la stabilité. Mercredi 28 juillet, Paris appelle à "préserver les acquis démocratiques" du pays alors que le secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken a "encouragé le président tunisien à respecter les principes démocratiques et les droits humains".
Dimanche, le président Kaïs Saïed a limogé le Premier ministre et suspendu les activités du Parlement pour un mois, après une manifestation notamment contre le parti au pouvoir, la formation islamiste Ennahdha. Il s'est octroyé le pouvoir exécutif. Les commerçants de la médina de Tunis sont divisés sur ce coup de force, qui vient s'ajouter au marasme économique.
Les affaires ne vont pas très fort dans le souk de Tunis. Cela fait des années que l'on s'y serre la ceinture mais, entre la crise économique et la pandémie, la situation devient de plus en plus difficile. "En deux ans, j'ai perdu 50% de mon chiffre d'affaires", raconte ainsi Nasreddine. Ce vendeur se débrouille au jour le jour car peu d'amateurs se pressent pour acheter les flacons de parfums et d'essences de fleurs qui peuplent son échoppe.
Moustapha est dans la même situation. Ce commerçant de djellabas a vu la situation se dégrader au fil des années mais il reprend espoir, après des années de marasme politique. "Je suis avec le président !, lance-t-il. Je sais qu'il est honnête, même si je n'ai pas voté. On a confiance en lui." Il trouve Kaïs Saïed plus efficace que ses prédécesseurs.
"En dix ans, les islamistes comme les autres n'ont rien fait. Lui, il dit deux mots et ça y est."
Moustapha, vendeur de djellabasà franceinfo
Mais le coup de force du président inquiète les plus anciens. "Même si le président est un génie, il n'a pas le droit de faire", critique Reda, le vendeur de cuir. Il garde en tête les acquis de la révolution de jasmin en 2010-2011. "On a fait un rempart dans le chemin de la démocratie, avec des partis. C'est l'espoir et le rêve de générations. Il brise tout en un coup de craie", se désole-t-il. "Il exagère un peu."
Mais pour beaucoup, l'inaction du Parlement a compté et le véritable responsable de la crise politique actuelle est le parti islamiste majoritaire au Parlement. "Ennahdha a fait trop d'erreurs, juge Reda. Maintenant, on doit payer." Segma, qui brode des robes de cérémonies, est du même avis. L'ouvrage sur lequel elle travaille nécessite plus de sept personnes. Autant de familles qui n'ont plus de quoi nourrir leurs enfants. La faute, selon elle, au parti islamiste et à son chef. "Ils se sont acheté cinq voitures à 500 000 dinars [ environ 150 000 euros] pour Rached Ghannouchi et sa bande", s'agace-t-elle, "au lieu d'acheter de l'oxygène et des vaccins pour le peuple !" A écouter les commerçants de la médina, le parti islamo-conservateur a donc perdu beaucoup de terrain dans le cœur des tunisiens
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