Cet article date de plus de douze ans.

A Sidi Bouzid, «une deuxième révolution se prépare»

Depuis le 26 juillet 2012, la ville de Sidi Bouzid (centre), berceau de la révolution tunisienne, se soulève contre le gouvernement jugé responsable de la pauvreté extrême qui frappe la région. Pour un défenseur des droits de l’homme de Sidi Bouzid et un journaliste de Tunis, que nous avons contactés, ce n’est que le début d’une deuxième révolution tunisienne.
Article rédigé par Valerie Kowal
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des dizaines de personnes protestaient le 26 juillet dernier à Sidi Bouzid. (AFP PHOTO / MOKHTAR)

Tout avait commencé avec Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2010. Ce jeune vendeur ambulant s’était immolé par le feu pour protester contre la police qui avait saisi sa marchandise à Sidi Bouzid. Révoltée, toute la Tunisie s’était soulevée, déclenchant une révolution qui a entraîné la chute de l’ancien dictateur Zine Ben Ali.

Marginalisée et pauvre sous l'ancien régime, c’est cette même ville qui est aujourd’hui le théâtre de nouvelles révoltes. Le parti islamiste Ennahda, au pouvoir depuis le 28 octobre 2011, y est la cible des manifestations de la population.

Le 26 juillet 2012, de nombreux ouvriers non payés depuis plusieurs mois avaient saccagé le siège du gouvernement local et avaient tenté d'incendier le local du parti islamiste. La police avait riposté à coup de bombes lacrymogènes. Pour calmer les esprits, les ouvriers ont perçu en liquide les salaires qu’ils exigeaient, immédiatement après.

Une vague de contestation
Mais les protestations, menées en partie par le Parti des travailleurs tunisiens (communiste), ont repris le 9 août. Huit personnes ont été arrêtées. Le calme est revenu provisoirement après que la police eut dispersé deux manifestations de l'opposition à l'aide de balles de caoutchouc et de gaz lacrymogène. Au moins cinq personnes avaient été légèrement blessées.  

Le 11 août, des dizaines de personnes se sont rassemblées dans les rues de Sidi Bouzid pour exiger la libération des manifestants en détention provisoire. 

Ce 14 août, les habitants de Sidi Bouzid vont à nouveau battre le pavé : un appel général à la grève a été lancé. Les tensions sociales sont grandissantes et plusieurs manifestations contre la pauvreté, des coupures d'eau et le chômage ont été réprimées dans le centre du pays et à Tunis ces dernières semaines. Un coup dur pour Ennahda dont l'électorat se recrute essentiellement dans les couches populaires. 

La police tunisienne a dispersé dans la nuit du 9 eu 10 Août  une 2ème manifestation contre le gouvernement.

Malgré cette ébullition, «le calme règne dans cette ville où la contestation et le militantisme coulent dans les veines de ses habitants», témoigne un militant des droits de l’homme qui habite à Sidi Bouzid.

«La ville est très paisible mais nous nous méfions de la police. Les relations avec la population sont très tendues en ce moment. Quand il y a des manifestations, il y a de véritables affrontements avec les forces de l'ordre», raconte ce jeune homme.

«Nous ne sommes pas téléguidés»
«Le gouvernement minimise ces protestes et martèle que les manifestants sont manipulés par les partis de l’opposition. Avec les fortes chaleurs et le ramadan, les manifestations restent ponctuelles et peinent à prendre de l'ampleur. Les autorités ont une plus grande latitude pour agir et calmer les ardeurs, pour l’instant…»

«Nous ne sommes pas téléguidés et nous nous battons parce que cette ville est laissée à l’abandon. Il n’y a aucun programme du gouvernement pour l’aider à se développer.»

«Les demandes de Sidi Bouzid sont très précises. La population souhaite que le gouvernement local d’Ennahda soit remplacé ainsi que les chefs de la police. Il faut nettoyer l’administration pour en finir avec la corruption

«J'ai peur de manifester contre Ennahda»
«On se prépare à une deuxième révolution mais ça ne va pas être facile. J’ai manifesté contre Ben Ali et je n’avais pas peur. Mais maintenant quand je manifeste contre Ennahda, j'ai peur. Et je ne suis pas le seul à craindre la répression.»

Un journaliste basé à Tunis partage l’analyse de ce militant des droits de l’homme. « Le gouvernement a tout intérêt à mettre ces manifestations sur le compte des partis d’opposition. Mais Ennahda ne pourra pas cacher longtemps qu’il se passe quelque chose à Sidi Bouzid. Il y a quelques jours encore tous les locaux administratifs étaient fermés de peur que les manifestants ne les détruisent.»

«Je ne suis pas complètement certain qu’il y aura une nouvelle révolution, peut-être que oui, peut-être que non. Tout est possible en Tunisie aujourd’hui.»

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.