Tunisie : Internet au coeur de la contestation
Ils s'appellent Slim Amamou, El Aziz Amami et Hamadi Kaloutcha. Des militants très actifs sur le web, qui relayent depuis plusieurs semaines les troubles qui agitent la Tunisie. La semaine dernière, tous trois ont été arrêtés par les policiers. Pas vraiment une surprise, à en croire le message posté sur Twitter par quelques heures avant son arrestation, jeudi : "flics autour de la maison, coup de fil au bureau ce matin".
Selon plusieurs sources, deux d'entre eux auraient été libérés hier. Un rappeur a lui aussi été relâché, après trois jours passés aux mains des autorités : ce jeune artiste de 22 ans, connu sur le web sous le pseudonyme de Le Général, avait publié il y a quelques semaines sur Internet un clip intitulé "Raïs Lebled" (chef du pays). Cette chanson où le rappeur dénonce le chômage des jeunes connaît un grand succès sur Internet.
Les autorités accusées de pirater les mots de passe
Si les autorités tunisiennes ont arrêté des activistes très connus de la Toile, c'est qu'une grande partie de la contestation se joue désormais sur Internet. Pour mettre fin au black-out imposé aux médias nationaux, de nombreux militants tentent de communiquer et de s'organiser via le web. Les autorités, elles, multiplient les mesures : fermeture de groupes sur Facebook, accès interdit aux plateformes vidéos YouTube et Dailymotion... L'Agence tunisienne d'Internet est également accusée de pirater les mots de passe sur les réseaux sociaux et plusieurs services de messagerie.
Twitter et Facebook en première ligne
Tout cela n'empêche pas Internet de rester le théâtre de l'agitation sociale. Sur Twitter aujourd'hui, le mot-clé le plus fréquent est : le nom de la ville où la contestation a commencé est devenu le nom de code de la mobilisation des jeunes Tunisiens.
_ Les "Twittonautes" relayent les actions en cours, comme qui affirme cet après-midi : "Bardo et Mannouba des jeunes dans la rue, lycéens et étudiants surtout". Les médias officiels sont dénigrés : "Tv7 me rappelle la tv roumaine durant les 48h avant la chute de Nicolae Ceauşescu" affirme . Les Tunisiens de l'étranger apportent leur soutien, comme la journaliste , installée en Amérique latine : "Je suis si fière de la Tunisie et des Tunisiens. Vous menez la bataille pour nous tous."
Sur Facebook, aussi, l'agitation est toujours très sensible. Pour marquer leur opposition, de très nombreux Tunisiens ont remplacé leur photo de profil par un drapeau tunisien taché de sang ou par une affiche noire où l'on peut lire "solidarité avec les martyrs de la liberté en Tunisie". Des dizaines de groupes sont intitulés "Sid Bouzid".
Sur les blogs, les activistes tentent, photos et vidéos à l'appui, de donner leur version des violences. Contrairement aux chiffres officiels (14 morts au cours du week-end dernier), l'opposition affirme qu'il y a eu une cinquantaine de morts ces derniers jours. A Tunisian Girl publie des photos des "martyrs d'Erregueb". publie une vidéo où des Tunisiens ramassent des cartouches qui auraient été tirées par la police sur des manifestants à Kasserine.
Non localisées précisément, non datées, ces vidéos sont difficilement authentifiables. Ainsi, la vidéo ci-dessous, postée sur YouTube, aurait été tournée hier, sans plus de précisions.
Cette autre vidéo, publiée le 29 décembre dernier par le portail d'information Nawaat, montre que des coups de feu ont été tirés lors d'une manifestation. Là non plus, pas de localisation, pas de date précise.
Autant de publications qui ne sont pas sans risque. Certains blogueurs, comme Emma Benji, ne cachent pas leur appréhension : sur son blog, cette jeune femme a publié il y a quelques jours un billet intitulé "je suis une citoyenne tunisienne qui a peur". Elle raconte : "J'ai peur quand je partage des liens, quand j'écris, quand je parle, quand un inconnu m'interpelle dans la rue... la peur me poursuit jusqu'à en perdre le sommeil".
Céline Asselot
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