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Terrorisme: le Sahel reste démuni face à la menace islamiste
Les chefs de la diplomatie française et allemande, Jean-Marc Ayrault et Frank-Walter Steinmeier, sont en visite au Mali et au Niger du 1 au 3 Mai 2016. Ils apportent aux pays du Sahel le soutien de l’Europe dans la lutte contre le terrorisme. Un soutien accompagné d’un message : c’est à vous d’abord qu’il revient d’organiser votre propre sécurité et votre propre défense.
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Tout le monde l’a compris. Personne n’est désormais à l’abri dans les pays du G5 Sahel. Un espace formé de cinq pays : le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Des pays confrontés ces derniers mois à une série d’attaques et d’attentats de diverses factions islamistes affiliées à al-Qaïda ou au groupe Etat islamique.
Le G5 Sahel doit organiser sa propre sécurité
Le message a été délivré par le Chef de l’Etat français en personne. François Hollande recevait son homologue du Burkina Faso, Rock Marc Kaboré, le 5 avril 2016 à Paris : «Nous devons mener avec les pays du G5 Sahel une coopération exemplaire en matière de sécurité, d’échange d’informations, de coordination du renseignement», a déclaré le président François Hollande, en soulignant toutefois que «ce sont les pays eux-mêmes qui doivent organiser leur propre sécurité et leur propre défense.»
Un message reçu cinq sur cinq par son homologue burkinabè dont le pays a été frappé par une attaque djihadiste le 15 janvier 2016. Il y a eu 30 morts et 70 blessés.
«Nous sommes tenus de prendre la question du terrorisme comme un élément permanent de la vie de nos différents pays, avec la mutualisation de nos moyens militaires et de renseignement», lui a répondu Rock Marc Christian Kaboré.
Une force spécialisée contre le terrorisme
Pour l’instant, les pays du Sahel restent plutôt démunis. Ils comptent sur la présence de 3500 soldats français déployés par la France dans le cadre de l’opération Barkhane. Mais jusqu'à quand ?
Face à la menace terroriste, le G5 Sahel tente de s’organiser. C’est ainsi que les cinq pays qui en font parti ont décidé de s’inspirer de l’expérience de l’Espagne dans la lutte contre l’organisation séparatiste basque ETA. Une force spéciale dédiée à la lutte contre le terrorisme devrait bientôt voir le jour.
«Il s’agit de petits bataillons d’une centaine d’éléments équipés, formés, mobiles et rapides, le long des endroits les moins peuplés où sévissent les terroristes», explique Najim El Hadj Mohamed, secrétaire permanent du G5 Sahel.
Et pour être efficace, les cinq pays du Sahel envisagent d’installer en Mauritanie un centre de coordination dont la mission sera de surveiller et d’alerter sur les menaces terroristes. Un projet qui reste encore sur le papier.
En attendant, l’état d’urgence reste en vigueur dans certaines régions du Niger et du Tchad, frontalières du Nigeria, considéré comme le fief des islamistes. Il accorde des pouvoirs supplémentaires aux forces de sécurité dont celui d’ordonner des perquisitions à domicile, de jour et de nuit, pour traquer les terroristes.
«La lutte sera de longue haleine»
Les Américains suivent de près la menace islamiste en expansion et en continuelle mutation sur le continent africain. Des groupes terroristes aux implantations géographiques et aux objectifs disparates : Aqmi dans le Sahel, les shebabs somaliens, Boko Haram au Nigeria, et l’Etat islamique en Libye.
«Ils sont devenus plus actifs. Ils ont exporté des tactiques et des techniques, en particulier en matière d’engins explosifs improvisés, et échangé des idées et des concepts sur la manière de se présenter publiquement. Ils ont consolidé leur idéologie et ce qu’ils représentent», fait remarquer le Général Donald Bolduc, commandant des opérations spéciales américaines en Afrique.
Pour lui, la lutte sera de longue haleine : «Ce type de guerre s’inscrit dans le long terme et il n’y aura pas de raccourcis», analyse-t-il.
L’officier américain a rencontré plusieurs de ses collègues africains fin février 2016 à Dakar, à l’occasion de l’exercice militaire annuel Flintlock organisé par les Etats-Unis avec une trentaine de pays africains. Le Général Bolduc estime qu’il faut désormais s’adapter à un ennemi imprévisible, capable d’alterner plusieurs types de combats.
«Nous aidons en termes de partage de renseignements, d’exploitation de sites sensibles et de formation contre les engins explosifs improvisés. Parce que c’est ce que l’ennemi utilise principalement.»
Ce que confirme aussi le commandant de la force française Barkhane. Une force de 3.500 hommes qui couvre un territoire grand comme l’Europe dans les pays du Sahel. Bien qu’affaiblis, les djihadistes conservent une capacité de nuisance qui est toujours là, reconnaît le général Patrick Brethous, dans une interview accordée à l’AFP :
«Au nord du Mali, nous sommes confrontés principalement à la menace des mines, des engins explosifs improvisés… Ils nous fuient systématiquement, cherchent à frapper les cibles molles, les convois logistiques, les civils.»
Eradiquer le terrorisme au Nord-Mali et éteindre le chaudron libyen
Qu’elle soit européenne ou américaine, l’aide proposée aux pays du Sahel pour faire face au terrorisme est la bienvenue. Mais il est grand temps, que la sous-région organise une riposte commune contre ce fléau, estime le président nigérien, Mahamadou Issouffou.
«On voit bien, par exemple, comment la situation sécuritaire au nord du Mali et le chaos libyen expliquent les attentats de Bamako, de Ouagadougou et d’Abidjan. C’est dire que tant qu’on aura pas éradiqué le terrorisme au Nord-Mali, tant qu’on aura pas stabilisé la Libye, il est vain de penser pouvoir dormir en paix à Abidjan, à Dakar ou à Lomé, à Nouakchott ou Ndjamena, à Niamey ou Ouagadougou.»
Tous les pays du G5 Sahel sont sur la même longueur d’ondes : le combat contre le terrorisme est devenu une priorité.
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