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BNP Paribas, les sanctions et les arrière-pensées

La banque française BNP Paribas pourrait être contrainte de payer aux autorités américaines une amende de quelque 7 milliards d’euros. Il s’agirait ainsi de l’une des plus grosses pénalités jamais imposées à un établissement bancaire aux Etats-Unis. Motif invoqué : le contournement des sanctions contre l’Iran, le Soudan et Cuba. Le point sur ces sanctions.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le logo de la banque BNP Paribas sur l'un de ses bâtiments parisiens le 30 mai 2014 (Reuters - Charles Platiau)

Officiellement, les autorités américaines accusent la banque française d’avoir contourné les embargos contre Cuba, l’Iran et le Soudan en effectuant des transactions depuis ces pays. Transactions qui auraient été effectuées en dollars. Autrement dit, elles auraient été compensées à un moment donné sur le territoire des Etats-Unis. Ce qui les rend délictueuses en raison des sanctions imposées à ces trois Etats par Washington.

Le dossier de ces sanctions est à la fois très technique. Mais aussi très politique.

Cuba : un «blocus», selon la Havane
Concernant Cuba, «la procédure lancée contre la BNP (…) est notamment fondée sur des transactions liées à des activités commerciales» avec ce pays, rapporte Le Monde.  Les sanctions américaines vis-à-vis de l’île caribéenne ont plus d’un demi-siècle : elles ont été instaurées en 1962. A La Havane, on les qualifie de «blocus». Et l’on dénonce leur application «extraterritoriale», c'est-à-dire leur application à des entreprises non américaines travaillant hors du territoire américain, précise le quotidien français.

Concrètement, ces sanctions interdisent les exportations des Etats-Unis vers Cuba (sauf les produits alimentaires et les médicaments depuis une quinzaine d’années). Elles sont également financières: Cuba n’a pas le droit d’«effectuer des transactions internationales en dollars ni détenir de compte dans cette monnaie dans les banques de pays tiers», rapporte Le Monde.

L’Iran et sa politique nucléaire
Les premières sanctions datent de 1979, à la suite de la prise d’otages à l’ambassade américaine à Téhéran. Dans les décennies suivantes, elles ont été renforcées à de multiples reprises en raison, notamment, de la politique nucléaire de la République islamique.

L’embargo international concerne de multiples domaines (qui constituent) un véritable inventaire à la Prévert) : nucléaire, bien sûr, mais aussi militaire, pétrolier, financier (quelque 100 milliards d’avoirs iraniens à l’étranger auraient ainsi été gelés). Sont également concernés les importations. En 2012, Peugeot a ainsi dû renoncer à vendre des véhicules dans le pays.

Suite à l’accord sur le nucléaire entre les pays occidentaux et Téhéran, la levée partielle de l’embargo aiguise des appétits. Soucieux de retrouver leurs positions perdues, les constructeurs auto français, qui fournissaient en Iran 40% des voitures jusqu’en 2011, se heurtent désormais aux appétits des constructeurs américains

 

Mohammad Khatami, alors président de l'Iran, assis dans une Peugeot 206, le 16 mai 2005 lors d'une visite sur un site du constructeur iranien Iran Khodro (partenaire de Peugeot) dans la banlieue ouest de Téhéran. (AFP - Atta Kenare)


Le Soudan, comme l’Iran
Pour le Soudan, les sanctions sont elles aussi liées à des évènements remontant à plusieurs décennies. «L'implication de Soudanais dans l'attentat du World Trade Center en février 1993 a (...) conduit les Etats-Unis à inscrire le Soudan sur la liste des pays qui soutiennent le terrorisme», rappelle un rapport du Sénat français. En 1997, Washington a institué un embargo économique qui «dans sa portée et ses effets, est similaire à celui sur l’Iran», explique un document du Quai d’Orsay.

Suite aux évènements du Darfour à partir de 2003, l’ONU a imposé un embargo sur les armes (une mesure prise par l’UE en 1994). En 2012, les Américains ont levé leurs restrictions concernant les ventes d’armes au Soudan du Sud (nouvel Etat depuis 2011).

Arrière-pensées
Les sanctions prises par les Etats-Unis contre une banque accusée de transactions avec ces trois pays ne sont pas les premières du genre. Fin 2012, le britannique HSBC avait été condamné à payer 1,9 milliard de dollars (1,48 milliard d’euros), notamment pour avoir violé des sanctions contre l’Iran, la Libye, le Soudan, la Birmanie et Cuba.

Officiellement, ces mesures sont prises uniquement pour des raisons juridiques. Pour autant, certains esprits chagrins se demandent si elles ne cachent pas aussi quelques arrière-pensées politiques et économiques…

Dans le cas de la BNP, les autorités fédérales veulent faire monter les enchères après avoir été critiquées pour leur clémence envers les banques américaines responsables de la crise financière de 2008-2009, estiment ainsi certains observateurs. L'Attorney General (ministre de la Justice) Eric Holder «veut faire un exemple. C'est malheureux que cela tombe sur une banque française (mais c'est) elle qui est dans l'oeil du cyclone», estime un gérant de fortune chez Meschaert Financial Services, cité par l'AFP.

L'affaire relève peut-être aussi d'un très basique... protectionnisme. Certains responsables européens «se plaignent en privé que les USA mènent une vendetta contre les banques du Vieux continent pour favoriser l'industrie financière américaine», rapporte le Wall Street Journal. Ce qu'on dément aux Etats-Unis.

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