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Soudan du Sud : le conflit oublié

Guerre, viol et pillage, le bilan est sombre pour le Soudan du Sud, indépendant depuis cinq ans et en proie à une guerre fratricide. Une lutte oppose deux clans qui se disputent le pouvoir dans le plus jeune Etat africain. Des combats qui ont fait vingt mille morts et deux millions de déplacés. Seul le déploiement d’une force régionale africaine semble pouvoir empêcher une grave crise humanitaire.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Camp de déplacés près de Juba au Soudan du Sud, géré par la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (11 juillet 2016).  (Reuteurs /handout)

Ils avaient combattu côte-à-côte durant trente ans au sein de l’Armée Populaire de Libération du Soudan, pour obtenir l’indépendance du sud-Soudan. Mais depuis décembre 2013, le président Salva Kiir et l’ancien vice-président Riek Machar se déchirent dans des combats meurtriers.

La mélédiction du pétrole
La longue guerre d’indépendance contre le Nord musulman, commencée en 1983, avait déjà fait deux millions de morts et autant de déplacés parmi les populations chrétiennes et animistes du sud qui aspiraient enfin à la paix et à la prospérité. Prospérité promise par un sous-sol riche en pétrole.

Avant même de pouvoir toucher les dividendes de l’indépendance, la lutte de pouvoir entre le président Salva Kiir et le vice-président Riek Machar a précipité de nouveau le pays vers l’abîme.

Les forces gouvernementales du président Salva Kiir (de l’ethnie Dinka) combattent depuis deux ans les partisans de Riek Machar (de l’ethnie Nuer). Un «conflit de mafieux» qui pourrait se transformer en conflits ethniques.

Deux second couteaux corrompues
Une guerre civile, due à l’incapacité de ces chefs de guerre à se transformer en gestionnaires pour construire un pays neuf où tout est à faire. Depuis la mort du père du mouvement d’indépendance John Garang, disparu dans un accident d’hélicoptère, ses lieutenants corrompus se déchirent.

Les Etats-Unis ont longtemps soutenu à bout de bras cette rébellion indépendantiste menée contre le régime de Khartoum dirigé par Omar el Béchir, soupçonné de soutenir des mouvements islamistes violents en Afrique et dans le monde.

Mais le 3 août 2016, le porte-parole du département d’Etat américain, Mark Toner, n’a pas caché sa consternation : «Les Etats-Unis sont profondément déçus par les responsables du Soudan du Sud qui, malgré l’opportunité de l’indépendance, n’ont toujours pas réussi à mettre de côté leurs luttes de pouvoir personnelles pour le bien de leur peuple».

Mark Toner a ajouté que Washington faisait pression sur les deux camps pour qu'ils mettent fin aux violences.

Les deux frères ennemis du Soudan du Sud à l'affiche à Juba après un accord de paix qui n'aura duré que quelques semaines (avril 2016).   (AFP/Albert Gonzalez Farran)


Ces pressions expliquent que le président Salva Kiir ait accepté, contre toute attente, le déploiement d’une force régionale africaine. L’homme fort du pays s’était farouchement opposé, jusqu’ici, au déploiement d’une force internationale.

Une force africaine (réclamée par son rival Riek Machar) doit permettre de renforcer le contingent de 12.000 casques bleus de l’ONU, qui ont bien du mal à remplir leur mission. La Minuss (Mission de l’ONU au Soudan du Sud) a été critiquée pour ne pas avoir réussi à endiguer les récents combats à Juba, capitale du pays. Plus grave, les casques bleus de la Minuss auraient été incapables de protéger le camp de réfugiés de Malakal, placé sous sa protection.

Une intervention de l'Union Africaine? 
L’Union Africaine s’est prononcée le 17 juillet 2016 en faveur de l’envoi «d’une force de protection» à vocation humanitaire. L’Ethiopie, le Kenya et le Rwanda se sont dits prêts à fournir des troupes.

Le camp Machar a salué l’annonce de l’envoi d’une force régionale, mais redoute que «les discussions s’éternisent»«Cette décision est la bienvenue, mais que va faire cette force, quel sera son mandat et l’ampleur du contingent ?», a demandé Goi Jooyul YOl, porte-parole de Riek Machar. Les partisans de ce dernier redoutent surtout une nouvelle manœuvre de leur rival Salva Kiir.

Même sentiment du côté de certains diplomates qui interprètent, «la nouvelle apparente bonne volonté» du président sud-soudanais comme un stratagème visant à gagner du temps. Ils craignent eux aussi que la mise en place de cette force ne se perde dans des discussions sans fin.

 

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