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Le Somaliland, Etat hors normes non reconnu comme un pays souverain, a su construire la paix

La République autoproclamée du nord-ouest de la Somalie a organisé, fin mai, des élections législatives et locales remportées par l'opposition.

Article rédigé par Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Deux fillettes sous un parapluie aux couleurs du parti d'opposition Waddani, lors de la campagne électorale le 25 mai 2021 à Hargeisa, la capitale de la république autoproclamée du Somaliland. (MUSTAFA SAEED / AFP)

Plus d'un million d'électeurs ont voté fin mai 2021 dans la République autoproclamée du Somaliland, lors d’un double scrutin législatif et local qui donne la majorité aux deux partis d'opposition. Ces élections se sont déroulées dans le calme et avec une forte mobilisation des électeurs. Oubliée de tous, cette région séparatiste du nord-ouest de la Somalie, a connu la paix et la stabilité durant ces trente dernières années.

Un cas très rare dans la Corne de l’Afrique. 

Un "pays" à part

Au nord-ouest de la Somalie, il y a le Somaliland que presque personne ne connaît ou ne veut reconnaître. Un territoire de plus de 176 000 km² grand comme l’Uruguay. Cette région séparatiste de quatre millions d’habitants a proclamé son indépendance en 1991 à la chute du dictateur Siad Barré qui avait mené une répression sanglante contre les séparatistes du Nord. Le Somaliland, ancienne colonie britannique, existe de facto depuis trente ans et dispose d’un gouvernement, d’une armée, d’un Parlement, d’institutions autonomes et d’une monnaie. Sa capitale est Hargeisa.

Le Somaliland est situé au nord-est de la Somalie. (AFP)

Une démocratie qui compte

Au Somaliland, les élections ont lieu au suffrage universel et on a le droit de voter dès 15 ans. Les Somalilandais jouent le jeu de la démocratie et participent massivement aux scrutins. Lors de la présidentielle de 2017, qui a porté au pouvoir Muse Bihi, 80% des électeurs s’étaient déplacés aux urnes. La carte électorale est établie à partir d’un système de reconnaissance biométrique et le processus de vote est surveillé par des observateurs internationaux. Les élections ont lieu parfois avec des années de retard, mais elles se déroulent "d’une manière pacifique et inclusive", comme le rappelle la Commission électorale.

Un développement difficile

Le Somaliland, qui a fêté en mai 2021 ses trente ans d’indépendance, s’en sort plutôt bien avec des institutions qui fonctionnent et une stabilité qui se maintient. Mais la non-reconnaissance internationale freine le développement de cet Etat qui reste l’un des plus pauvres de la planète.

L'accès à l'éducation au Somaliland est extrêmement limité : plus de 51% des enfants ne vont pas à l’école, selon l’Unicef. Le Somaliland n’a pas droit aux prêts de la Banque mondiale, du FMI ou de la Banque africaine de développement pour améliorer la situation sociale de sa population et développer ses infrastructures. Le petit Etat mise par ailleurs sur l’aide des pays du Golfe et notamment des Emirats qui y ont investi des centaines de millions de dollars pour agrandir le port de Berbera.

La reconnaissance inaccessible

L’Etat hors normes, qui a su administrer et protéger son territoire, ne parvient pas à s’imposer en tant que pays souverain. Le Somaliland est considéré comme une simple région autonome de la Somalie sur la scène internationale. A ce stade, pas question de changement de statut. L'Union africaine s'abrite derrière le principe de "l'intangibilité des frontières" et a prudemment enterré un rapport daté de 2005, favorable au Somaliland. L'Occident préfère lui aussi éviter ce dossier sensible tant que l’Union africaine ne l’aborde pas.

Si la démocratie du Somaliland est loin d’être parfaite, avec notamment des restrictions de liberté et des poursuites contre les opposants, ce petit Etat oublié par tous est aujourd’hui l’un des plus sûrs et des plus pacifiques du continent, souligne le Süddeutsche Zeitung (article en français dans Courrier international), à l’occasion du trentième anniversaire d’indépendance vis-à-vis de la Somalie. Le quotidien allemand parle d’un modèle de réussite au Somaliland grâce à la volonté de son peuple.

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