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Trafic d’êtres humains: un sale business entre le Burundi et les pays du Golfe
Les victimes sont essentiellement des femmes et des travailleurs domestiques. Ce trafic d’êtres humains se fait à des fins «de prostitution, de pornographie et de trafic d’organes», dénonce une ONG burundaise. Un réseau criminel très lucratif est à l’œuvre en Afrique de l’Est et de l’Ouest, notamment, avec des complicités établies dans les pays du Golfe.
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Les douze filles sauvées par la police burundaise le 8 novembre 2017 partaient pour Oman. Le bus dans lequel elles avaient pris place a été intercepté sur la route vers l’Ouganda d’où d’elles devaient embarquer à destination de cet émirat du Golfe.
«Les premiers éléments d’enquête ont déjà révélé l’existence d’un trafic et les enquêtes plus approfondies se poursuivent pour que les auteurs soient traduits devant la justice», a déclaré le porte-parole du ministère de la Sécurité publique à l’agence chinoise Xinhua.
«Prostitution, pornographie et trafic d’organes»
De janvier à août 2017, l’Observatoire national pour la lutte contre la criminalité transnationale au Burundi (OLCT) a inventorié 338 victimes de ce trafic à destination d’Oman et de l’Arabie Saoudite. 134 personnes ont pu être arrachées aux trafiquants et remises à leurs familles.
«Ce trafic se fait à des fins de prostitution, de pornographie et de trafic d’organes», croit savoir Prime Mbarubukeye, président de l’OLCT.
Ce que confirme le président de la Fédération des associations engagées dans le domaine de l’enfance au Burundi (Fenadeb). «En plus de l’exploitation économique et sexuelle, les enfants trafiqués subissent des prélèvements d’organes comme le rein, le cœur, le foie qui sont vendus très cher», accuse Jacques Nshimirimana.
Des promesses de gros salaires à la clé
Dans un long dossier consacré à ce fléau, le site d’information burundais Iwacu a recueilli plusieurs témoignages qui attestent que des centaines de femmes et de filles sont déjà parties pour Oman et pour l’Arabie Saoudite.
«Moi je connais beaucoup de filles parties vers Oman», témoigne une serveuse dans un bar de Muyinga, dans le nord-est du pays. «Elles sont recrutées par des femmes en provenance de Bujumbura qui leur promettent du travail avec de gros salaires», raconte-t-elle à Iwacu.
Pourquoi les trafiquants privilégient les filles dans leur recrutement? «Parce qu’elles sont facilement manipulables et se révoltent peu», explique une commerçante. Certaines femmes n'hésitent pas à abandonner leurs maris et leurs enfants pour partir à l'aventure.
«Ce n’est pas l’eldorado auquel je m’attendais»
Certaines Burundaises sorties de cet enfer ont dénoncé les mauvais traitements dont elles ont été victimes. C’est le cas de Zuwena, une jeune Burundaise revenue d’Arabie Saoudite où elle a travaillé comme femme de ménage. «Si c’était à refaire, je ne partirais pas», témoigne-t-elle sur le site d’information Iwacu.
«J’étais comme une prisonnière. Je n’avais pas le droit de sortir. Je touchais 160 euros par mois. Je n’avais jamais été payée une telle somme. C’est pourquoi j’acceptais tous les mauvais traitement que je subissais», explique Zuwena.
Quant à Ninette, elle raconte qu’elle a eu la chance de tomber sur une famille omanaise plutôt correcte. Elle dit ne pas avoir subi de traitement cruel dans cet Emirat où elle travaille toujours comme femme de ménage. Mais elle s’inquiète pour les filles mineures qui vivent un véritable calvaire.
«Ce sont elles qui rencontrent parfois des problèmes, notamment l’exploitation sexuelle, car elles sont encore des enfants. Il faut les intercepter à l’aéroport. Je pense qu’il est facile de différencier une enfant de 14 ans et une jeune fille de 21 ans», plaide-t-elle.
Prix d’une fille livrée: entre 1000 et 2500 euros
Sur chaque fille livrée à Oman, le gain des trafiquants peut s’élever jusqu’à 1000 euros. Les filles destinées à l’Arabie Saoudite seraient les plus chères. Leur prix brut varierait entre 2000 et 3000 dollars américains, révèle une ONG burundaise.
Depuis 2015, les organisations de la société civile estiment que plus de 3500 Burundaises sont tombées entre les mains des trafiquants qui les ont embarquées vers les pays du Golfe. Elles dénoncent «un laisser-faire de la part des autorités burundaises».
Le Burundi est loin d’être un cas isolé. Parmi les autres pays africains confrontés à ce fléau figure la Guinée Conakry où la police a démantelé en octobre 2017 un réseau transfrontalier établi en Afrique de l’Ouest. C’était la septième opération de ce genre en moins d’une année.
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