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Mauritanie: l’opposition contre le référendum sur la réforme constitutionnelle
Passant outre le rejet par la voie parlementaire de sa volonté de réforme constitutionnelle, le président Mohamed Ould Abdel Aziz organise un référendum, le 5 août 2017, pour légitimer son projet. Une procédure dénoncée par l’opposition qui se mobilise pour mettre en échec ce qu’elle qualifie de «coup d’Etat contre la Constitution». Elle appelle à un «boycottage actif» du scrutin.
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Plusieurs milliers de Mauritaniens sont descendus dans la rue, le 15 juillet 2017 à Nouakchott, pour dénoncer un référendum organisé par le président Mohamed Ould Abel Aziz sur son projet de réforme constitutionnel.
Un projet adopté par les députés mais rejeté par les sénateurs
Elaborée en septembre-octobre 2016 lors d’un dialogue entre le pouvoir et l’opposition dite modérée, cette révision de la Constitution prévoit notamment la suppression du Sénat, qui serait remplacé par des conseils régionaux élus, ainsi que la suppression de la haute cour de justice, du médiateur de la République et de Haut conseil islamique. Il y est également question de changement du drapeau national.
Le projet a été adopté le 9 mars 2017 à l’Assemblée nationale par les députés mais rejeté, paradoxalement, par les sénateurs, pourtant en majorité acquis au pouvoir.
Déterminé à faire passer ses réformes, le président Aziz a donc décidé de contourner les voies parlementaires en organisant un référendum, le 5 août prochain, déclenchant une controverse dans le pays.
Une coalition de l’opposition regroupant plusieurs formation radicales rassemblées au sein du Forum National pour la démocratie et l’unité (FNDU) ainsi que l’ONG anti-esclavagiste Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste a décidé, pour sa part, de faire front.
L'opposition accuse le régime d'Ould Abdel Aziz de «dérive autoritaire gravissime»
La marche de Nouakchott a ainsi été la première action menée dans la capitale. Elle s’est achevée par un meeting où les orateurs se sont succédé pour dénoncer «un coup d’Etat contre la Constitution» et accuser le régime d’Ould Abdel Aziz de «dérive autoritaire gravissime».
«A travers cette forte mobilisation, vous avez donné à l’avance les résultats du référendum, avant même le jour du scrutin», a martelé le président de la coalition, l’islamiste Jemil Ould Mansour. «C’est un message clair au régime pour qu’il mette fin à son aventure inutile», a-t-il conclu.
Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 2008, l’actuel président, un ancien général élu en 2009, puis réélu en 2014 pour cinq ans, s’est engagé à plusieurs reprises à ne pas modifier la limitation à deux le nombre de mandats présidentiels.
«Une Constitution ne peut être changée pour des intérêts personnels», assurait le chef de l’Etat qui devrait quitter son poste en 2019, sans réussir à atténuer les soupçons de l’opposition à ce sujet.
Pour cette dernière, cette consultation «ne répond à aucun enjeu» et constitue «un divertissement de l’opinion visant à la détourner des vrais problèmes du pays». Derrière ce scrutin se profile, selon elle, la volonté exprimée par la majorité au pouvoir de voir le président en exercice «bénéficier d’un troisième mandat pour continuer les chantiers restés inachevés».
La Mauritanie a des batailles plus importantes que de rajouter deux bandes de couleur au drapeau
La coalition de l’opposition, des parlementaires, des syndicalistes et des personnalités indépendantes opposées aux réformes ont appelé à «un boycottage actif» du scrutin et à faire du porte-à-porte pour dissuader les électeurs de se rendre aux urnes.
Mais «le référendum vraisemblablement se tiendra, avec la probabilité d’une victoire du camp présidentiel», pronostique de son côté Hamidou Anne, chroniqueur au Monde Afrique.
Evoquant «quelques réformes constitutionnelles cosmétiques», telles que le rajout de deux bandes rouges au drapeau, ce membre du cercle de réflexion l’Afrique des idées estime que les batailles les plus importantes pour la Mauritanie sont ailleurs.
«Elles sont par exemple dans la construction d’une nation inclusive dans laquelle chacun, quelle que soit sa couleur de peau, pourra pleinement vivre sa citoyenneté. L’esclavage est encore une pratique courante dans le pays en dépit de son interdiction formelle. Il est urgent de mettre fin à cette barbarie réelle dans le pays», estime Hamidou Anne dans une chronique sur la question.
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