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Mauritanie: la chasse aux militants contre l’esclavage bat son plein

Les défenseurs des droits humains qui dénoncent la discrimination et l’esclavage en Mauritanie sont de plus en plus réprimés: arrestations, tortures et interdictions de se rassembler. Voilà ce qui ressort du dernier rapport d’Amnesty international sur un pays qui a officiellement aboli l’esclavage il y a 40 ans, et où 43.000 personnes se trouvent toujours réduites à un statut d’un autre âge.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min

«Bienvenue à Guantanamo.» C’est par cette formule d’un cynisme effroyable qu’un officier mauritanien a accueilli Amadou Tijane Diop, un militant antiesclavagiste, à son arrivée en prison.

«Dis leur ce qu'ils veulent entendre» 
Arrêté en 2016, il a fait à Amnesty International en juin 2017, le récit du calvaire de son incarcération. «Ils m’ont attaché les mains et bandé les yeux. Je ne voyais pas où ils m’emmenaient. Avant l’interrogatoire, un garde m’a dit: "Dis leur ce qu’ils veulent entendre. Tu sais que nous avons les moyens de te faire parler"», a-t-il raconté.
 
Depuis, rien n’a vraiment changé dans ce pays qui a officiellement aboli l’esclavage en novembre 1981. Bien au contraire, estime l’ONG internationale de défense des droits de l’Homme.
 
«Les autorités mauritaniennes font preuve d’un mépris honteux pour les droits humains, alors qu’elles ont aboli l’esclavage il y a près de 40 ans, en continuant non seulement de tolérer cette pratique mais aussi de réprimer les personnes qui la dénoncent», a déclaré Alioune Tine, directeur du bureau régional pour Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty International.
 
Dans son dernier rapport publié le 22 mars 2018 et intitulé «une épée au-dessus de nos têtes», Amnesty parle en effet d’une répression croissante à l’égard des personnes et des organisations qui «osent» dénoncer l’esclavage et la discrimination.

Interdictions de manifester, tortures et mauvais traitements comme moyens de dissuasions
Le rapport détaille l’arsenal de mesures mises en œuvre par les autorités pour faire taire ces militants: interdiction de manifestations pacifiques, recours à la force excessive contre les manifestants, interdiction des organisations militantes et ingérence dans leurs activités.
 
Outre la dispersion violente des manifestations d’avril et de novembre 2017 à Nouakchott, avec blessés et arrestations à la clé, tortures et mauvais traitements font également partie des moyens de dissuasions.
 
Depuis 2014, Amnesty a recueilli des informations sur 168 cas de défenseurs des droits humains arrêtés arbitrairement, dont au moins 17 d’entre eux ont été torturés.
 
Au cours de cette même période, ont été arrêtés 23 membres du Mouvement du 25 février, qui regroupe des jeunes en faveur de la démocratie, et 63 militants de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA). Une association parmi les 43 jamais autorisées à exercer leurs activités malgré des demandes renouvelées.
 
Persistance généralisée de l'esclavage et de la discrimination
«Ne pas être une association autorisée, c’est avoir une menace qui plane au-dessus de nos têtes en permanence», explique à Amnesty Yacoub Ahmed Lemrabet, président de l’association «Kafana» (Ca suffit), interdite elle aussi. «Nous continuons les activités, mais nous savons qu’à tout moment les autorités peuvent venir suspendre nos associations et nous jeter en prison», ajoute-t-il.
 
Une politique qui permet, selon le rapport, une persistance généralisée de l’esclavage et la discrimination dans le pays. D’après les estimations d’organisations internationales antiesclavagistes, jusqu’à 43.000 personnes étaient réduites en esclavage en Mauritanie en 2016, soit environ 1% de la population totale.
 
Toujours selon le rapport de l’ONG, «les pratiques discriminatoires touchent particulièrement les membres des communautés harratine et afro-mauritanienne. Ceux-ci sont absents de pratiquement toutes les positions de pouvoir et rencontrenent des difficultés pour se faire enregistrer sur les registres d’état civil, ce qui limite notamment leur accès à des services essentiels», rappelle enfin Amnesty International.

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