Le trafic de faux médicaments progresse en Afrique malgré la répression
Le député béninois Atao Mohamed Hinnouho, incarcéré depuis mai 2018 pour trafic de médicaments et suspecté d'en être l'un des principaux responsables, va être évacué en France pour raisons de santé, a annoncé le tribunal de Cotonou. Ce type de trafic est très important en Afrique : 30% des produits pharmaceutiques du continent seraient contrefaits.
En novembre 2018, Mohamed Atao Hinnouho a été condamné en appel à six ans de prison ferme et à plusieurs milliards de francs CFA d'amende dans une affaire de faux médicaments qui avait ébranlé le pays d'Afrique de l'Ouest.
Le parlementaire est considéré comme l'une des chevilles ouvrières au Bénin du laboratoire indien New Cesamex, dont le siège se trouve en République démocratique du Congo (RDC). D'importants stocks de médicaments ont été saisis à son domicile et son immunité parlementaire a été levée le 24 juillet 2018. Lors de sa première comparution, il a plaidé non coupable. Son avocat, cité par Le Monde, a dénoncé "un procès politique". "Tout le monde sait qu’il importe de manière légale des produits pharmaceutiques. Il a tous les documents administratifs", a affirmé le défenseur.
Il n’en a pas moins été "présenté de manière subliminale par le président béninois, Patrice Talon, comme le ‘baron’ du trafic de médicaments lors d’une conférence internationale sur les produits médicaux" à Genève en mai 2018, rapporte le quotidien français.
Le Bénin, plaque tournante du trafic
Avec son voisin nigérian, le Bénin a la réputation d'être la plaque tournante du commerce illicite des médicaments en Afrique de l'Ouest. Les faux médicaments ou médicaments importés de manière illégale circulent notamment en passant par le port de Cotonou. Le gouvernement du président Patrice Talon, élu en 2016, a décidé de combattre ce fléau, qui tue près de 100 000 personnes chaque année en Afrique sub-saharienne, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Des dizaines de tonnes de faux médicaments ou de médicaments échappant à la commercialisation officielle ont alors été saisis et des dizaines de personnes arrêtées au Bénin.
En Côte d'Ivoire et au Nigeria, les autorités tentent, elles aussi, de lutter contre le phénomène. En Côte d'Ivoire, près de 400 tonnes de produits trafiqués ont ainsi été saisis depuis 2016.
Au niveau régional, des politiques communes ont été adoptées, notamment par l'intermédiaire de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), observe RFI. "Des coopérations douanières ont été mises en place dont certaines ont eu de beaux résultats." En juin 2018, "l'Organisation mondiale des Douanes (OMD), en collaboration avec 18 pays africains, a intercepté près de 260 millions de médicaments illicites".
Ces dernières années, malgré la répression, le trafic a continué à progresser dans tout le continent. "On est dépassé. Il est impossible de dissocier la falsification, le faux médicament, le mauvais circuit d’approvisionnement, l’exercice illégal de la profession de pharmacien… Mais tout cela concourt à obtenir un produit dont on ne peut pas garantir la qualité", rapporte la secrétaire générale de l'ordre des pharmaciens du Cameroun, Emilienne Yissibi Pola, citée par RFI.
30% des médicaments en Afrique sont des contrefaçons
Dans ce contexte, l'Afrique est devenue le terrain de jeu préféré des trafiquants de faux médicaments. Sans parler de "certains responsables de santé publique corrompus, qui font leur marché au rabais en Chine et en Inde, où sont fabriqués l'essentiel de ces produits", rapporte l’Agence France Presse (AFP), citée par le site de Sciences et Avenir.
"Pour (en) vendre, il faut avoir une clientèle, or les malades pauvres sont plus nombreux sur le continent africain que partout ailleurs dans le monde", expliquait (en janvier 2018) à l'AFP le professeur français Marc Gentilini, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales et ancien président de la Croix-Rouge française.
Selon l’OMS, 10% des produits pharmaceutiques au niveau mondial sont des contrefaçons. Un pourcentage qui atteint 30% en Afrique, en pénurie chronique de produits pharmaceutiques.
"Le business de la contrefaçon des médicaments arrive en tête des trafics illicites", affirme (toujours à l’AFP) Geoffroy Bessaud, directeur de la coordination anticontrefaçon du groupe pharmaceutique français Sanofi. Il rapporterait même plus que le trafic de cannabis, selon le World Economic Forum.
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