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Immigration vers l’Europe: en Espagne, une voix différente…

Le ministre espagnol des Affaires étrangères, Josep Borell, a rejeté le 30 juillet 2018 l'idée que son pays, devenu la première porte d'entrée par la mer de migrants en Europe, soit confronté à une immigration «massive». A ses yeux, le continent européen a besoin de «sang neuf».
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Migrants à leur arrivée à Tarifa (Espagne) le 26 juillet 2018 (JORGE GUERRERO / AFP)

«Nous banalisons le mot "massif"» alors qu'il faudrait «évaluer les choses à leur juste mesure», a déclaré Josep Borrell, Catalan fermement opposé à l’indépendance de sa région d’origine et ancien président du Parlement européen. Des propos tenus lors d'une conférence de presse commune avec son homologue jordanien, Ayman Safadi.
           
L'Espagne est devenue cette année la première porte d'entrée des migrants clandestins en Europe, dépassant l'Italie. Depuis janvier, 20.992 migrants clandestins sont arrivés en Espagne par la mer et 304 sont morts pendant la traversée, selon les données de l'Organisation internationale des migrations (OIM) actualisées au 25 juillet. Dans le même temps, la route passant par la Libye en direction de l'Italie, la principale jusqu'à récemment, a vu les arrivées chuter de 80%.

Aux arrivées par mer s'ajoutent celles par voie terrestre: 602 migrants subsahariens ont ainsi réussi le 26 juin à entrer dans l'enclave espagnole de Ceuta au Maroc. Ils ont franchi la double barrière métallique qui la protège, lançant de la chaux vive, des pierres et des excréments à la police.
           
Josep Borell (à Strasbourg le 15 janvier 2007) (FREDERICK FLORIN / AFP)

«Cela choque l'opinion publique, qui s'effraie du caractère désordonné de l'immigration», a reconnu le ministre socialiste. Mais «600 personnes, ce n'est pas quelque chose de massif, comparé au 1,3 million» de réfugiés syriens actuellement accueillis en Jordanie, a-t-il relativisé.
           
«Je ne dis pas qu'il ne faut pas prendre (ces chiffres) en considération, mais nous parlons, pour cette année, de 20.000 (migrants) pour un pays de plus de 40 millions d'habitants. Ce n'est pas une immigration massive», a-t-il dit.
           
«Niveaux contrôlables»
Selon le ministre, les arrivées «se maintiennent à des niveaux contrôlables». Même si les ONG dénoncent régulièrement la saturation des centres de rétention de clandestins en Espagne. A Algesiras, le plus important port du pays, le «récent flux d'arrivées a mis en évidence que la réponse des autorités n'était pas suffisamment planifiée» et qu'elle manquait de moyens, selon la police et les autorités citées par l'AFP.

«L'évolution démographique en Europe démontre que, si nous ne voulons pas nous transformer progressivement en un continent de personnes âgées, nous avons besoin de sang neuf, qui ne semble pas pouvoir provenir de notre capacité de procréation», a-t-il ajouté.

Dans un entretien au Monde (et à d’autres journaux européens) le 13 juin, Josep Borell estimait qu’en matière de migration, «l’Europe fait la politique de l’Autruche. C’est un problème collectif et il faut l’aborder comme tel». «Si nous ne sommes pas capables de prendre les frontières extérieures comme une frontière commune, c’est l’espace Schengen qui va s’écrouler», poursuivait-il. «A court terme, le développement de l’Afrique va augmenter le nombre de candidats à l’immigration de populations dotées de plus de moyens et de capacités, car ceux qui partent ne sont ni les plus pauvres ni les plus faibles», ajoutait-il. Une position partagée par le géographe français Michel Foucher, auteur d’une étude sur «Migrations et développement», interviewé par Géopolis.

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