Ethiopie : les Sidamas, une ethnie du Sud, veulent créer leur propre région
Cette revendication nationaliste risque d’aggraver la violente crise ethnique et politique que traverse le pays.
Le 15 juillet 2019, après de longues tractations, les responsables de la communauté sidama avaient fait part de leur décision de faire sécession et de quitter la Région des nations, nationalités et peuple du Sud (SNNP). Ils entendaient créer leur propre région d’ici… le 18 juillet. Mais le principal parti de ce groupe ethnique, le Mouvement de libération sidama (MLS), a finalement annoncé le même jour avoir accepté la tenue d'un référendum proposé par les autorités électorales pour la fin de l'année.
L'Ethiopie compte aujourd’hui neuf régions dessinées sur les bases d'un fédéralisme ethnique. Or, la Constitution oblige le gouvernement à organiser un référendum si une ethnie, parmi les plus de 80 que compte ce pays, souhaite former sa propre région.
Le 18 juillet 2018, les responsables sidamas, qui avaient bien accueilli l’intronisation du nouveau Premier ministre Abiy Ahmed trois mois plus tôt, avaient déposé une demande de référendum. La Constitution stipule qu’un tel scrutin doit être organisé au plus tard un an après le dépôt de la demande. Soit le 18 juillet… 2019. Jusqu'à ce jour, les autorités n'avaient pas répondu à cette demande.
De la patience avant toute chose
De son côté, le chef du gouvernement leur conseillait de rester patients, le temps que soit réformé le Conseil électoral national d’Ethiopie (NEBE), rapporte le journal anglophone éthiopien The Reporter. Le pays a besoin d’un Conseil fort pour s’assurer que "répondre aux questions posées par une région ne créera pas d’autres blessures" dans d’autres régions, avait ajouté Abiy Ahmed.
Problème : les revendications des Sidamas sont anciennes. Ces derniers ont été incorporés à l’Ethiopie en 1890 et se sont rebellés contre la dictature militaire du Derg entre 1974 et 1991, rappelle le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG). Résultat : les observateurs pensent que le dossier est l’un des plus importants et urgents qu’Abiy Ahmed ait à régler.
Pour autant, les demandes des Sidamas, qui représenteraient 4% à 5% des plus de 100 millions d'Ethiopiens, ne constituent que l’une des multiples crises auxquelles doit faire face l’actuel Premier ministre. Lequel est arrivé aux affaires après plusieurs années de protestations antigouvernementales et a notamment été salué pour la libération de prisonniers politiques. Cette ouverture de l'espace démocratique a permis une expression plus libre des nationalismes ethniques. Mais, aujourd’hui, le nouveau pouvoir peine à contenir des violences qui ont poussé plus de 2 millions de personnes à quitter leurs foyers.
En juin, cinq hauts responsables éthiopiens, dont le chef d'état-major de l'armée, ont été assassinés lors de ce que les autorités ont décrit comme une tentative de «coup d'Etat» contre le gouvernement de la région autonome d'Amhara, la seconde d'Ethiopie en termes de population. Avec les Oromos, l’ethnie amhara est la plus importante du pays.
Risques d’un conflit violent
Les risques d’un conflit violent sont donc réels. Début juillet, le Premier ministre a averti qu’une sécession pourrait entraîner une intervention gouvernementale. "Nous ne tolérerons pas d’émeutes. Tout doit se faire selon les procédures (légales). S’il en va autrement, nous règlerons le problème comme nous avons l’habitude de le faire", selon des propos rapportés par The Reporter. En clair : en faisant intervenir l’armée comme dans l’Etat régional de Somalie (est) en 2018. Pour le pouvoir, l’enjeu est considérable. Une sécession sidama pourrait créer un précédent et donner des idées à d’autres ethnies de la région SNNP. Et ailleurs dans le pays.
Les activistes sidamas veulent créer un fait accompli. Ils ont déjà hissé un drapeau non officiel vert, bleu et rouge à plusieurs endroits, dont les bâtiments de l'administration à Hawassa qu’ils considèrent comme leur capitale. Alors que la cité est déjà la capitale… de la région SNNP.
Si les Sidamas sont le groupe ethnique le plus important de ladite région, leurs volontés sécessionnistes ont déjà mené à des violences en juin 2018 avec des membres de l’ethnie wolayta, la seconde communauté locale. Il y avait alors eu une dizaine de morts et des dizaines de personnes déplacées.
D’autres ethnies cohabitent à Hawassa, ville où vivent quelque 400 000 personnes. Les Sidamas "devraient nous demander ce que nous pensons de la situation et tenir compte de nos sentiments", explique à l’AFP Salomon Mengistu, un Amhara. Mais l’heure ne semble pas à la conciliation. A titre d’exemple, les Sidamas qui ont exprimé des craintes quant aux conséquences d’une sécession pour l'économie de la région, basée notamment sur le café, ont fait l'objet de dénonciations sur les réseaux sociaux…
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