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Ethiopie : les chrétiens orthodoxes dénoncent une persécution de leur communauté

A l'occasion de la grande fête religieuse de Meskel, les chrétiens orthodoxes éthiopiens condamnent les incendies volontaires dont leurs églises sont les cibles. 

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Les fidèles de l'église orthodoxe éthiopienne sur la place Meskel pour les célébrations de leur grande fête religieuse organisée à Addis-Abeba, le 27 septembre 2019. (EYERUSALEM JIREGNA / AFP)

Les leaders de l'Eglise orthodoxe éthiopienne ont demandé, fin septembre 2019, au gouvernement de répondre à ce qu'ils décrivent comme une flambée de violences contre leur communauté, de nombreuses églises ayant récemment été incendiées, pour le début de la grande fête religieuse de Meskel. Meskel, ou fête de la Sainte-Croix, célèbre la découverte de la "vraie croix" sur laquelle le Christ aurait été crucifié, selon la tradition de l'Eglise d'Ethiopie.

Les dirigeants de cette Eglise autocéphale, c'est-à-dire bénéficiant d'une totale indépendance, ont appelé le Premier ministre, Abiy Ahmed, à les protéger et à faire en sorte que les auteurs de violences religieuses rendent des comptes. "Les chrétiens orthodoxes ne sont pas satisfaits du gouvernement", a déclaré à l'AFP Aklil Damtew, un haut responsable de cette Eglise. "Les gens attendent que le gouvernement dise quelque chose au sujet de l'Eglise. Pourquoi le gouvernement reste-t-il silencieux ?", a-t-il déploré.

Ces tensions entre les autorités orthodoxes et le gouvernement d'Abiy Ahmed risquent d'introduire un nouvel élément d'instabilité dans un pays déjà confronté à de nombreuses violences communautaires, à quelques mois des élections prévues en mai 2020.

Meskel a commencé le 27 septembre 2019 avec Demera, une cérémonie publique où les Ethiopiens se rassemblent autour d'un grand bûcher en mémoire de la crucifixion de Jésus et de la découverte de "la vraie croix". Des dizaines de milliers de personnes se sont réunies dans le centre de la capitale, Addis Abeba, dansant, chantant, battant des tambours et priant pendant des heures.

Un prêtre orthodoxe face au feu de joie appelé "Demera" lors de la célébration de Meskel, une fête religieuse célébrée par l'Eglise orthodoxe éthiopienne sur la place du même nom à Addis-Abeba, le 27 septembre 2019. (MICHAEL TEWELDE / AFP)

La police fédérale avait mis en garde dès la veille du démarrage des cérémonies contre toute tentative de les perturber. "Les écrits, affichages et drapeaux non officiels" seront interdits, avait-elle indiqué dans un communiqué. Mais la cérémonie s'est déroulée sans incident. Après une longue procession, les gens, tenant en main pour la plupart des cierges en cire, se sont rassemblés autour d'un feu de joie géant sur la grande place Meskel.

Classé patrimoine immatériel de l'humanité

Le festival de Meskel, qui a été classé par l'Unesco dans la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, devait se poursuivre le lendemain, les gens le fêtant cette fois-ci à la maison ou entre voisins. Meskel intervient cette année après deux dimanches consécutifs de manifestations pacifiques dans la région amhara (nord), pour protester contre les incendies d'églises.

Au moins 25 églises ont été brûlées dans le pays ces deux dernières années, explique M. Aklil. Un chiffre sans précédent selon lui, mais qui reste difficilement vérifiable.

Le patriarche orthodoxe, l'abouna Mathias, a utilisé son message de Meskel cette année pour dénoncer et condamner les incendiaires. "Ceux qui brûlent ces églises doivent en finir avec de tels actes", a-t-il déclaré sur la place Meskel sous les applaudissements de la foule. "Nous ne pouvons pas accepter du tout ceux qui brûlent des églises ou attaquent nos disciples."  Les leaders de l'Eglise estiment que les incendies reflètent un sentiment anti-orthodoxe, mais les motivations de ces attaques semblent être plus complexes.

Un conflit qui entremêle ethnique et religieux

Certains des incendies, par exemple, ont eu lieu en juillet juste après une tentative par l'ethnie sidama de créer sa propre région dans le Sud provoquant ainsi plusieurs jours de violences. Terje Ostebo, un expert en religion éthiopienne à l'université de Floride, remarque que des conflits qui paraissent d'origine religieuse ont parfois d'autres fondements, fonciers, ethniques ou autres. "Ces choses sont toujours entremêlées et j'ai rencontré tellement de cas où un conflit local était présenté comme ethnique ou religieux, et en fait il s'est révélé être les deux", a-t-il déclaré.

Mais pour Endale Gosaye, 35 ans, un professionnel du marketing présent ce jour-là sur la place Meskel, les chefs religieux ont raison. "C'est écœurant de voir des gens faire ça (les incendies)", a-t-il déclaré à l'AFP, se disant mécontent de la réponse du gouvernement jusqu'à présent.

Daniel Bekele, le patron de la Commission éthiopienne des droits de l'Homme, a réclamé des enquêtes sur ces incendies. "Le gouvernement a la responsabilité d'enquêter sur quiconque pourrait être derrière des attaques contre des institutions religieuses", a-t-il estimé.

Au-delà des incendies, les dignitaires orthodoxes sont aussi scandalisés par la volonté de certains Oromos, la principale ethnie du pays qui est aussi celle de M. Abiy, de faire scission et de créer leur propre Eglise. Les chrétiens orthodoxes représentent environ 40% des 110 millions d'Ethiopiens.

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