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Est-il dangereux d’être chrétien au Maroc?
C’est une communauté qui vit cachée, dans un pays pourtant réputé pour sa tolérance et son rejet de l’extrémisme islamique. Les Marocains convertis au christianisme ont du mal à trouver leur place dans la société. Pointés du doigt, ils vivent dans la clandestinité et se battent pour sortir de l’ombre. C’est ce qu’explique à Géopolis Clémence Martin de l’ONG Portes Ouvertes.
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«Dangereux est un gros mot», répond Myriam, une chrétienne marocaine de l’ombre à qui l’on demande s'il est dangereux d’être chrétien dans son pays. Mais son témoignage, raconté dans la chronique que Portes Ouvertes a consacrée aux chrétiens du Maroc, en dit long sur le climat de peur dans lequel vivent ceux qui osent se convertir au christianisme.
«Chez les voisins, tu vois la haine, ils ne t’aiment pas. Ils te regardent mal. Ça devient dangereux quand tu as quelqu’un qui est salafiste dans ta famille. Quelqu’un qui est musulman très pratiquant. Il a le droit de te faire mal.»
Clémence Martin suit de près la situation des chrétiens marocains pour l’ONG Portes Ouvertes, au service des chrétiens persécutés à travers le Monde.
Elle observe que les chrétiens au Maroc sont dans une situation comparativement meilleure que celle qu’on peut retrouver dans d’autres pays du monde arabe. Mais si les chrétiens expatriés sont relativement tolérés, les musulmans marocains convertis vivent dans la peur.
«Pour eux, il est strictement impossible d’être visibles et de se réunir publiquement, même pas pour célébrer la fête de Noël. On ne voit pas d’églises légales de chrétiens marocains. Ils ne peuvent même pas se marier en tant que chrétiens.»
Ils se réunissent dans «des églises de maison»
Clémence Martin explique à Géopolis comment les chrétiens marocains sont confrontés à l’ostracisme, en particulier dans les zones rurales. Ils sont soumis à une forte pression sociétale pour participer à des activités et au rituel religieux islamique.
Aujourd’hui, seuls les chrétiens étrangers sont autorisés à pratiquer collectivement le culte dans les églises. Les Marocains convertis au christianisme se réunissent clandestinement dans «les églises de maison», témoigne une chrétienne dans l’ombre.
«On prie chez-nous en cachette, dans des maisons de nos quartiers. On n’a pas le droit d’élever la voix pour que les voisins n’entendent pas», soupire-t-elle.
«Considérés parfois comme des traîtres»
Pointés du doigt et considérés parfois comme des traîtres, les chrétiens du Maroc restent toutefois à l’abri des violences qui visent cette communauté dans d’autres pays. Certains ont dû se cacher par crainte d’être attaqués par des membres de la famille élargie, mais aucun acte de violence n’a été enregistré par Portes Ouvertes depuis 2017.
«Aujourd’hui, les chrétiens marocains veulent être reconnus de façon officielle. Ils sont fiers de leur conversion et veulent pouvoir s’afficher comme tels... L’Etat marocain devrait lever les dernières restrictions à la liberté de religion, en particulier les lois qui criminalisent les activités d’évangélisation et permettre aux chrétiens marocains de se rassembler librement», plaide Clémence Martin.
Portes ouvertes regrette que ces zones d’ombres qui persistent au Maroc salissent l’image d’un Etat considéré plutôt comme moderne, progressiste et tolérant.
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